[Le Roman de Constantinople - Prix Renaudot Essais 2005 | Gilles Martin-Chauffier]
C'est une expérience intéressante que de lire l'histoire d'une ville non par un historien mais par un romancier. Le résultat, comme le titre l'indique, est justement un "Roman", qui ressemble à la narration d'un vieux conteur (je le vois âgé et s'adressant à ses petits-enfants autour de la cheminée, même si sans doute ce n'est pas le cas de l'auteur réel!) qui n'aurait retenu de quelques 1700 ans d'une Histoire longuement fréquentée que les anecdotes les plus saillantes. Le style aussi se doit d'être toujours pétillant afin d'échapper à toute tentation d'académisme. L'on ne saurait donc pas non plus traiter d'arbitraire le choix étonnant de certains personnages historiques ou de certaines circonstances, développés au détriment d'autres plus attendus... Les chapitres byzantins (mais ceci, par contre, relève de la stricte proportion avec les durées chronologiques relatives) sont beaucoup plus nombreux que les ottomans, beacoup plus informatifs aussi (au moins pour moi); la décadence de la cité (dès le XVIIe siècle) ne prend guère qu'une trentaine ou quarantaine de pages, laissant un durable éblouissement sur une grandeur miraculeusement toujours retrouvée (comme si un nouveau et mystérieux rebondissement était encore possible...), et le tout prend fin, assez logiquement, en 1923, avec le transfert de la capitale de Turquie à Ankara.
Grande déception par rapport à la conclusion de l'ouvrage (mais aussi, à bien les lire, à l'intro et la 4ème de couverture) qui veut absolument l'inscrire dans le débat compliqué (et combien idéologique!) de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, et plus spécifiquement de la nature européenne du pays et de la cité. Faut-il tout gâcher en se voulant "engagé"!? Car là, on sent toutes les limites de la prise de position d'un non spécialiste, non académicien, non politologue... bref d'un lettré de bonne volonté, mais...
Et, pour commencer, comment ne pas noter le saut subreptice entre Constantinople-Istanbul et la Turquie tout entière, entre l'Empire ottoman et la République turque? Et, même en se limitant à la cité, comment rendre un plaidoyer sur son "européeité" autre chose que le cris d'un pamphlétaire, en s'arrêtant à Istanbul en 1923 (et à Atatürk l'organisateur de la résistance militaire antigrecque avec les armes des Soviets)! Là, l'auteur a tout faux, en tout cas sur la méthode, et ce n'est que ma magnanimité vespérale (!) qui lui vaut de ne pas lui avoir ôté davantage d'étoiles in extremis!
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]