Dans "Le sanglot de l'homme noir", Alain Mabanckou se livre à une réflexion sur la perception de l'Homme noir dans nos sociétés modernes et à une analyse sur les préjugés liés à la différence, qui parasitent les relations entre individus. Pour étayer son propos, il s'appuie sur son expérience personnelle, constituée notamment de rencontres, et se réfère à des penseurs, des écrivains, des hommes politiques d'hier ou d'aujourd'hui qui se sont eux-mêmes penchés sur cette problématique.
On comprend d'emblée, grâce à la lettre que l'auteur rédige à l'attention de son fils, et qui sert de préambule au texte, que l'un de ses buts est d'exhorter l'Homme noir à cesser de se définir par le sanglot, c'est-à-dire à se défaire de son statut de victime.
Un statut hérité d'une histoire certes lourde...
Reprenant le point de vue de Frantz Fanon, dont il cite des passages de l'essai "Peaux noires, masques blancs" à plusieurs reprises, l'auteur nous rappelle entre autres que c'est le blanc qui a créé l'image du noir telle qu'elle a longtemps été véhiculée, construite à partir du sentiment de supériorité que colons et autres esclavagistes éprouvait vis-à-vis des populations africaines.
Mais c'est surtout au présent qu'Alain Mabanckou souhaite s'attacher. Et c'est à nous tous -blancs et noirs-, aujourd'hui, qu'il incombe de se débarrasser de ces carcans, de repenser l'humanité dans sa globalité, dans son universalité, en considérant tout ce que les hommes ont en commun (tout en acceptant le respect de leur diversité) au-delà de leurs particularités physiques.
En effet, la plupart des anecdotes relatées démontrent que les idées reçues ont la vie dure... Par exemple, nombreux sont ceux pour qui "français" est encore synonyme de blanc.
Une absurdité, selon Mabanckou, puisque cela revient à nier non seulement la réalité contemporaine, mais aussi celle de l’histoire du peuplement de nos nations occidentales, fruit de multiples mouvements de populations. Une société qui refuse cette évidence et qui souhaiterait vivre repliée sur elle-même serait vouée à la sclérose, se privant d'opportunité d'enrichissement, d'évolution.
De plus, le principe qui consiste à associer nationalité et couleur de peau implique que l'on serait, en fonction de cette dernière, "naturellement" français. Or, cela revient à dédaigner la valeur d'une nationalité que l'on s'est choisie, et que l'on a dû, en quelque sorte, mériter.
Il ouvre ainsi un questionnement plus vaste sur la notion d'identité, et notamment celle d'identité nationale. Que doit comprendre ce concept ? Doit-il être bâti sur des critères de race, de culture, ou bien sur celui d'un sentiment d'appartenance commun aux individus, quelque soit leur origine raciale, sociale ?
Pour Alain Mabanckou, le territoire est dans l'esprit de celui qui estime lui appartenir. Ce n'est pas l'implantation géographique qui compte, c'est cette notion de rattachement que l'on garde à l'esprit.
Ainsi, regrouper les individus en fonction de leur couleur de peau est une grossière erreur. Il y a davantage de points communs entre un blanc et un noir qui ont partagé des années d'existence au sein d'un même quartier, d'une même ville, voire d'un même pays, qu'entre un français à la peau noire et un habitant de l'Afrique !
L'essai d'Alain Mabanckou est très intéressant dans la mesure où il est extrêmement lisible d'une part, mais surtout parce qu'il pose certaines questions sans tomber dans l'attitude manichéenne qui consisterait à opposer blancs et noirs dans un rapport de domination induisant ressentiment chez les uns et mépris chez les autres. Il nous met en garde contre l'intolérance et le fanatisme, ces derniers n'étant l'apanage ni des noirs ni des blancs, mais celui de tout individu refusant l'intégrité de l'autre.
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