Le dernier paradis de Manolo
titre original: The Worms Can Carry me to Heaven
traduit de l'anglais par Brice Matthieussent
Editions Christian Bourgois
Déjà, on remarque le titre anglais de cet écrivain écossais vivant en Espagne.: les vers peuvent me conduire au ciel , traduit par le dernier paradis? Je me demande toujours comment sont traduit les titres originaux, mais peut-être est-ce là une expression typiquement britannique et intraduisible? Help me, please!
Et puis, les auteurs cités en exergue des trois principaux chapitres, et là, par deux fois Sainte Thérèse d'Avilla qui disait, après une ode à la souffrance rédemptrice ( complètement allumée, cette Thérèse...): " Il n'y a rien en moi à quoi l'on puisse se fier". allons bon. Méfions nous.
Le héros de ce livre s'appelle Manolo. Il vit dans sa ville natale, où ses parents tenaient un hôtel , dans un de ces immeubles qui ont poussé comme des champignons , destinés aux touristes sur les côtes
espagnoles.
Quand débute le récit, son récit, son médecin et ami de toujours vient de lui apprendre qu'il a hélas contracté la maladie, celle dont on a encore du mal à prononcer le nom , par peur qu'il ne nous saute à la figure et nous contamine., nous qui n'avons rien fait pour la mériter....
Chronique d'une mort annoncée, donc. Et appel à la mémoire d'une vie...celle d'un homme partout qualifié dans les critiques de ce livre d"odieux".
Je ne le trouve pas odieux, il se décrit comme tel, c'est différent. C'est un enfant gâté mais non aimé, délicat avec des problèmes de peau, assez égocentrique certes , maniaque et angoissé, narcissique mais lucide et ne craignant pas de faire face à ces défauts. Et ses actes, qu'il n'évoque que brièvement, montrent qu'il n'a rien de mauvais.
Seul, très seul, malgré ses amis de toujours...
Tellement seul que c'est à un sans-papier échoué sur une côte espagnole ( le récit de l'arrivée et survie d'Ahmed est sans bavure) qu'il va raconter ses malheurs, en échange d'un logement..
"Le destin de mon hôte consistait à être rejeté sur la côte au cours de mon propre naufrage, en acceptant avec patience les paroles de ma confession"..
Dans ce récit- constamment dominé par la mort- il y a des scènes d'anthologie, notamment d'enterrements, qui font penser à de la littérature sud-américaine, avec toujours quand même le recul, l'humour et l'ironie sur soi-même d'un britannique.. Curieux mélange, et souvent fort drôle.
Et arrive la dernière partie, précédée d'un extrait de la correspondance de Napoléon que que je recopie, car elle prend tout son sens à la fin de ce livre:
"Au général le comte Hullin, gouverneur du château de Vincennes.
Saint Cloud ,25 juillet 1811
J'ai reçu la sentence concernant Cifenti et Sassi della Tosa. Faites exécuter Cifenti- c'est un espion répugnant. Dans le cas de Sassi, je suis d'accord pour une commutation de peine. Mais vous devez le faire emmener jusqu'au lieu d exécution et attendre que Cifenti ait été exécuté et que ce soit au tour de Sassi de monter sur l'échafaud pour lui annoncer sa grâce. Je désire qu'il voie de ses propres yeux comment un crime tel que le sien est puni."
Faut-il attendre ce genre de démonstration , pourquoi certains sont-ils punis d'emblée et d'autres non, je crois en fait que c'est le fond de ce roman, bien plus profond qu'il ne semble l'être, et à lire assurément.
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