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[Dieu ne sert plus à rien | Richard Dawkins]
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Posté: Lun 24 Mai 2021 16:36
MessageSujet du message: [Dieu ne sert plus à rien | Richard Dawkins]
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Cet ouvrage, dont le fait de se présenter comme une « lettre ouverte » apparaît entre autres choses par le tutoiement du lecteur dans le but de le pourvoir d'un argumentaire assez développé et complet pour interpréter le personnage d'un athée opposé à un chrétien américain de moyenne culture (et, à mon sens, de modeste argutie...), se compose de deux parties de longueur quasi égale : l'une (anti-)théologique, l'autre scientifique.
La partie anti-théologique, « Adieu à Dieu », comprend un ch. Ier qui parle de la « mort » d'innombrables divinités auxquelles l'on ne croît plus, et soulève le doute sur la nature véritablement monothéiste du christianisme, dans la pluralités des sens du « Dieu » abrahamique auquel il se réfère. Le ch. II s'attelle à trouver les contradictions historiques et documentaires sur la figure de Jésus dans les évangiles (canoniques et apocryphes, sans oublier Flavius Josèphe) et pose enfin la question des conditions de crédibilité des miracles et autres prodiges. Le ch. III, en traitant de l'Ancien Testament, s'interroge – assez superficiellement – sur la naissance et de la propagation des mythes. Le ch. IV indique les aspects qui, selon notre conception éthique contemporaine, nous paraissent immoraux, féroces et cruels dans la morale biblique voire dans certains récits de la vie de Jésus. Cette analyse se poursuit dans le ch. V, « A-t-on besoin de Dieu pour être une bonne personne ? », par un double argument : la caducité de chacun des Dix Commandements ; une expérience de psychologie comportementaliste (cf. cit. 1) qui tendrait à montrer que la morale est fondée sur la surveillance ; le ch. comprend aussi des données statistiques de la population carcérale américaine selon son appartenance religieuse déclarée. Le ch. VI, "Comment savons-nous ce qui est bon ?", comprend un interlude assez plaisant en forme de dialogue philosophique entre une partisane de l'absolutisme moral (Abby) et une conséquentialiste (Connie), notamment sur le thème de l'avortement.
Cette partie, m'a laissé grandement insatisfait pour les raisons suivantes : trop superficielle, trop marquée sur les débats états-uniens, ne tenant compte d'aucune autre religion que le christianisme, faisant fi de la question permanente de l'exégèse des textes religieux et celle des modes de vie et d'organisation sociale historiquement et géographiquement très divers développés pourtant au sein d'une même religion, négligeant enfin entièrement toute spiritualité, mysticisme, religiosité ethnologiquement décentrée (par ex. tous les systèmes herméneutiques issus du chamanisme...).

Dans la seconde partie, l'on reconnaît que l'auteur navigue dans des eaux connues et cela apporte beaucoup plus de satisfaction à lire. Le ch. VII, « Ça n'a pas pu se faire tout seul », rappelle l'interprétation correcte de l'évolution darwinienne par des exemples fascinants : la coévolution du guépard et de la gazelle, la langue du caméléon. Le ch. VIII, « Des petits pas vers l'improbable », en reprenant sa contribution célèbre de la théorie de « l'horloger aveugle » précise comment le concept d'aléatoire doit être appliqué à l'évolution et démontre qu'un « dessein intelligent » eût été incomparablement plus improbable que l'évolution par mutation aléatoire par « petits pas » cumulatifs sanctionnée par la sélection naturelle que nous enseigne la génétique. Le ch. IX contient des éléments qui m'étaient tous entièrement inconnus et que je crois relativement récents : le fonctionnement des enzymes comme catalyseurs des réactions chimiques intracellulaires, et en particulier le fonctionnement de l'ADN en embryologie, selon la métaphore des cristaux et des puzzles. Le ch. X, « Approche ascendante ou descendante ? », approfondit cette question embryologique, en précisant qu'il n'existe pas de « correspondance biunivoque entre l'individu et son ADN » (p. 235) et en généralisant les conséquences de l'approche ascendante aux cristaux comme aux nuées d'oiseaux et aux termitières. Le ch. XI. expose l'ensemble des théories (néo-)évolutionnistes qui pourraient expliquer à la fois la diffusion de la tendance humaine si générale à développer des sentiments religieux et des sentiments éthiques. L'évocation de la multiplicité des premières, avec une référence particulière à l'ouvrage d'Andy Thomson, Pourquoi nous croyons en (des) Dieu(x), se fait totalement au détriment de la théorie de « mèmes » fascinante création due au même Dawkins, qui aurait gagnée à être précisément appliquée au religieux – et j'avoue que j'avais de fortes attentes dans ce sens vis-à-vis de ces pages-là ; sur la question de la genèse évolutionniste du sentiment moral, je regrette de n'avoir guère appris ici davantage que dans le bel essai de Matt Ridley, The Origins of Virtue qui, sans être cité, contient l'essentiel des arguments, y compris l'étude de Gerald Wilkinson sur les chauves-souris vampires. Enfin, le ch. XII, « Le courage donné par la science » évoque très rapidement de nombreuses découvertes scientifiques, notamment en physique, qui vont dans un sens tellement contraire à l'évidence, que leur acceptation par le public constitue un véritable acte de courage. La chute sur le thème de l'athéisme est, là aussi, très partiale : Dawkins suppose que la foi en Dieu ne résiste que là où la science est provisoirement incapable de fournir encore une explication et précisément pour la raison de cette incomplétude temporaire. Pour ma part, je suis prêt à parier que les croyants, dont je ne suis pas, n'ont assurément pas cette motivation pour croire, que Dieu n'est pas pour eux la science par défaut ni ne prospère sur les défauts de la science... Là se confirme toutefois le profil du lecteur envisagé par l'auteur, un « personnage » déjà convaincu dans son athéisme, ou peut-être presque ou récemment convaincu, qui doit s'armer contre des doutes qui seraient représentés par un interlocuteur peut-être assez imaginaire, peut-être une autre part de soi-même... Ce personnage, ce n'est donc pas moi !


Cit. :


1. « [… Pour réaliser une expérience, la professeure Melissa Bateson] a fait placer une "caisse de confiance" où l'on pouvait payer le café, le thé, le lait et le sucre dont on se servait au quotidien. Il n'y avait pas de caissier, juste cette boîte et la liste des prix affichée sur le mur. On te faisait simplement confiance pour introduire la bonne somme d'argent dans la boîte. […]
Chaque semaine, Melissa affichait la liste des prix dans la cafétéria. Et chaque semaine, une image différente était imprimée en haut de la liste. Parfois, l'image représentait des fleurs […] Les autres semaines, on pouvait voir une paire d'yeux qui variaient également. Et le résultat, fascinant, est le suivant : les semaines où des yeux étaient imprimés au-dessus de la liste de prix, les gens étaient plus honnêtes. On trouvait alors presque trois fois plus d'argent dans la "caisse de confiance" que lors des semaines "témoins" où seules des fleurs "surveillaient". » (pp. 110-111)

2. « Oui, l'ADN est bien un code numérique, tout comme le code informatique. Et oui, l'ADN transmet des informations numériques des parents aux enfants, et ainsi de suite à travers les innombrables générations. Mais non, les informations transmises ne sont pas un plan. […]
C'est un ensemble d'instructions sur la façon de construire un bébé […] Cela ressemble […] à un programme informatique dont les instructions sont respectées dans un ordre précis […] Un programme informatique est comme une très longue recette, compliquée par des points de branchement. [Et il n'est pas réversible : ...] tu ne peux pas reconstruire un programme informatique en regardant ce qu'il fait. » (pp. 236-237)

3. « La sélection naturelle a intégré dans notre cerveau une tendance à identifier des structures telles que des "séquences" : qu'est-ce qui suit quoi. Nous remarquons que le tonnerre suit la foudre, que la pluie suit l'apparition et le rassemblement de nuages gris, que les cultures ne poussent pas s'il n'y a pas de pluie. […]
Souvent, nous pensons détecter une séquence, alors qu'il n'y en a en réalité aucune. Et souvent, nous ne détectons pas de séquence alors qu'il y en a réellement une. Les mathématiciens appelés statisticiens distinguent deux façons de se tromper lorsque nous essayons d'identifier des séquences : ils parlent de "faux positifs" et de "faux négatifs". Un faux positif, c'est croire qu'il y a une séquence alors qu'il n'y en a pas – la superstition est un type courant de faux positif. » (p. 257)

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