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[Figures de la révolution africaine | Saïd Bouamama]
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apo



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Posté: Sam 25 Aoû 2018 11:23
MessageSujet du message: [Figures de la révolution africaine | Saïd Bouamama]
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4,5 *
Des cinq continents, l'Afrique est celui donne l'Histoire m'est sans doute la moins familière. De plus, quelques réminiscences universitaires se sont avérées imprécises : qu'il y ait eu peu de résistance africaine à l'esclavage, à la conquête coloniale et jusqu'au moment de la décolonisation ; que celle-ci, liée à des circonstances spécifiques et brèves de la politique internationale – la perte de puissance des pays colonisateurs européens suite à la Seconde Guerre mondiale, la guerre froide, etc. - ait été remplacée aussitôt par le néocolonialisme, c-à-d. par un système de dépendance presque aussi pernicieux, car provoquant un surcroît de corruption des élites locales, des guerres civiles et d'autres atrocités ; que le marxisme ait été insignifiant ou simplement utilitaire pour les leaders africains, surtout dans le contexte de la rivalité sino-soviétique survenue pendant les guerres d'indépendance.
Cet essai magistral, un véritable manuel d'Histoire des luttes anti-coloniales et anti-impérialistes africaines contemporaines, dans sa grande densité d'informations, dans la lucidité de ses analyses, précise et parfois rectifie mes connaissances. Il le fait en considérant la pensée et les luttes de dix révolutionnaires : Jomo Kenyatta (Kenya 1890-1978), Aimé Césaire (Antilles 1913-2008), Ruben Um Nyobé (Cameroun 1913-1958), Frantz Fanon (Antilles-Algérie 1925-1961), Patrice Lumumba (Congo 1925-1961), Kwame Nkrumah (Ghana 1909-1972), Malcolm X (États-Unis 1925-1965), Mehdi Ben Barka (Maroc 1920-1965), Amilcar Cabral (Guinée Bissau 1924-1973), Thomas Sankara (Burkina Faso 1949-1987). Cependant, le livre ne consiste pas dans une simple suite de biographies ; au contraire, il s'articule en trois parties qui mettent en exergue un cheminement temporel de problématiques : « Réformer le colonialisme ou l'abattre ? (1945-1954) », « Le droit de légitime violence (1954-1962) », « De l'anticolonialisme à l'anti-impérialisme (1962-1975) ». Il témoigne d'une attention très opportune pour le cadre historique international, les spécificités du régime colonial local, les débats politiques en présence, et enfin les tentatives d'organisation internationale – panafricanisme, solidarité afro-asiatique, etc., en particulier au sein des conférences internationales depuis Bandung.
Je retiens de cet ouvrage précieux les rectifications suivantes à mes idées de départ :
- les résistances à toutes les formes et étapes de la domination subie par le continent africain ont toujours eu lieu, mais l'historiographie les a minorées et occultées ;
- la composante systémique internationale est fondamentale mais complexe : après-guerre, mais aussi les trois années de tous les espoirs (1954 : victoire vietnamienne de Diên Biên Phù, 1955 : conférence de Bandung, 1956 : crise de Suez), doctrine Nixon, rivalité sino-soviétique mais aussi Che Guevara en Afrique, la « Françafrique » avec sa formule criminelle : « l'indépendance dans l'interdépendance » c-à-d. l'indépendance octroyée après signature des « accords de coopération » qui la vident de toute substance, mais aussi les débats intellectuels anticolonialistes en France (Aimé Césaire, Frantz Fanon, Sartre, etc.) et les répercussions en écho des luttes pour les droits civiques aux États-Unis (Malcolm X, Rosa Parks, etc.), cette composante systémique doit se lire dans une dialectique à trois niveau avec l'évolution des réalités africaines et des pays colonialistes ;
- il est évident que dans la plupart des cas de décolonisation, celle-ci a été tronquée, amputée, aggravée encore par la crise de la dette des années 80, par le néolibéralisme, par une coopération au développement globalement critiquable, par une dépendance encore accrue, mais cela aurait été évitable...
-... en particulier si les révolutionnaires dont il est question dans ces pages – tous plus ou moins influencés par le marxisme, tous ayant fait l'effort (léniniste) d'adapter la théorie marxiste au contexte concret de domination dans lequel ils évoluaient, n'avaient pas été pour la plupart supprimés prématurément dès lors que leur pensée avait eu la possibilité de se développer en action politique menaçant l'ordre colonial ou néocolonial en présence. Dans ces attentats contre des responsables politiques africains, il est très affligeant de constater que la part de fautes de la France est la plus grande, à la fois en nombre de crimes et en durée de sa compromission.


Cit. :

« Blâmant les victimes du système économique international plutôt que ses responsables, chassant les logiques de système qui permettent de comprendre les mécanismes de domination, cette pensée anti-tiers-mondiste scella le mariage entre le dogme néolibéral et la pensée culturaliste. Il n'y a rien "chez nous" qui puisse expliquer les désordres du monde, assuraient les idéologues conservateurs, car la source des problèmes est "chez eux" – dans leurs cultures, dans leurs coutumes, dans leurs mœurs, dans leurs vices intimes. » (p. 8)

« Quand elle n'est pas pensée en profondeur, c'est-à-dire comme un processus d'émancipation complet, à la fois culturel et politique mais également social et économique, la contestation de l'ordre colonial risque toujours de se retourner contre celles et ceux qu'elle est censée libérer. » (p. 79)

« Avec Lumumba s'achève un âge de la lutte anticoloniale. Désormais, il n'est plus possible de confondre indépendance formelle et indépendance réelle, de dissocier lutte anticoloniale et lutte anti-impérialiste ou de s'illusionner sur une émancipation réelle non violente. Ce que Fanon résume admirablement dans un texte consacré à la mort de Lumumba : "Notre tort à nous, Africains, est d'avoir oublié que l'ennemi ne recule jamais sincèrement. Il ne comprend jamais. Il capitule mais ne se convertit pas." » (p. 181)

« La notion de "développement" en elle-même témoigne d'un manque de distance critique avec les schémas mentaux hérités de la colonisation. Il n'est certes plus question de "civilisation", mais on parle toujours de"rattrapage" et de "retard", comme si les Africains devaient toujours marcher dans les pas de quelque société "supérieure". » (p. 221)

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