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[Terroristes Les 7 piliers de la déraison | Trévidic Marc]
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le_regent



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Posté: Mar 30 Déc 2014 11:17
MessageSujet du message: [Terroristes Les 7 piliers de la déraison | Trévidic Marc]
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Terroristes Les 7 piliers de la déraison / Trévidic Marc. – Paris : Librairie générale française, janvier 2014 (Copyright Editions Jean- Claude Lattès, 2013). – ISBN 978-2-253-17816-3. – Coll. Le livre de poche, n° 33 220

Ce sont les hasards des achats en brocante : je n'ai pas lu "Au cœur de l'antiterrorisme", du même auteur, paru en 2011. "Terroristes Les 7 piliers de la déraison" est un texte d'une forme tout à fait originale. Je le comparerais à cette sorte de téléfilms que l'on désigne comme des « docu-fictions ». En effet, les sept chapitres « théoriques » sont suivis chacun de « récits qui puisent leur source dans les petites histoires du terrorisme. » Mais ces récits, bien qu'inspirés de faits réels, recourent à la fiction dans la mesure où ils nous font partager les pensées et les sentiments (en réalité inconnaissables) des personnes évoquées. Ainsi pour Hassan, "L'agent double d'Al Qaida" : « Curieusement, il n'y avait qu'une seule personne qu'il aurait voulu épargner. Une femme, la chef de la base de Khost. » Malgré le talent avec lequel l'auteur nous rend vraisemblable cette affirmation, comment savoir si en réalité Hassan ne ressentait pas pour elle encore plus de détestation que pour ses autres futures victimes ?
On pourrait craindre qu'une personne qui assume pleinement sa fonction de répression ne se laisse aller à des amalgames. Ce n'est pas le cas du juge Trévidic. Il indique au contraire : « Nos schémas sont dépassés. Le sexe, l'âge, le milieu social, l'origine, le degré d'éducation, la stabilité de la vie familiale […] ne sont plus des critères qui permettent d'assurer la détection et d'évaluer la dangerosité potentielle d'un individu. » De même, en ce qui concerne les partisans du Jihad : « Contrairement à l'image répandue, l'unité au sein de la communauté musulmane acquise à la cause du Jihad s'est effritée en raison de l'usage systématique et aveugle par Al Qaida de la violence contre les populations civiles. » Il garde même une distance critique certaine par rapport aux lois qu'il est chargé d'appliquer : « Grâce à notre hypocrisie et parfois à une bonne dose de mauvaise foi, nous nous adaptons pour pouvoir réprimer, quand cela est utile, des comportements dangereux pour notre ordre public […] ». Il use aussi de l'ironie : « Ils étaient alors nos alliés – et nous ne pouvions pas être alliés à des terroristes, tout de même ! Fort heureusement, les jihadistes allaient s'en prendre maintenant à nos anciens ou nouveaux amis. Ça changeait tout... ». De même en ce qui le concerne personnellement, lorsqu'il doit répondre aux protestations de certains avocats : « Toutes mes arguties étaient cependant bien éloignées d'une véritable démonstration juridique […] ».
De par l'expertise et l'honnêteté intellectuelle de son auteur, son écriture à la fois évocatrice et accessible (j'ai bien relevé une ou deux maladresses d'expression, mais ce ne sont que des peccadilles) ce livre me semble mériter d'être lu.
Plutôt que de rendre compte avec précision de son contenu, chapitre par chapitre, je vais essayer cette fois de cerner quelles idées il a confortées ou fait se cristalliser en moi. Au début des années soixante, je m'étais laissé convaincre que, malgré l'existence de deux blocs antagonistes parmi les pays les plus puissants industriellement, « l'équilibre de la terreur » par la dissuasion nucléaire rendait presque impossible une guerre aussi meurtrière, ou même plus meurtrière encore que la Seconde Guerre mondiale. Avec la fin de la guerre d'Algérie en 1962, il me semblait aussi que, les dernières guerres « d'indépendance » commencées ou prévisibles une fois achevées, l'humanité pourrait enfin connaître la paix. Beaucoup de gens de mon âge ont-ils partagé ma naïveté ?
Quand le juge Trévidic a écrit son livre, le récent attentat taliban contre une école au Pakistan n'avait pas encore eu lieu ; nous en étions encore à Mohamed Merah. Il n'est pas intrinsèquement anormal que beaucoup de gens ressentent de tels actes comme inouïs (au sens étymologique, in-ouïs : jamais entendus), comme totalement impies, et que leurs auteurs soient considérés comme absolument odieux, exécrables. Mais comme je le disais déjà dans une précédente note de lecture, nous avons la mémoire courte. Combien d'enfants parmi les 800 000 morts (selon l'ONU) au Rwanda ? Parmi les 21% de la population cambodgienne morts sous le régime khmer rouge ? Encore pourrions-nous entretenir l'illusion qu'il s'agit là de continents « barbares ». Mais combien d'enfants juifs tués en Europe peu avant ma naissance ? Aujourd'hui, en déformant un peu la phrase de Bertold Brecht, je dirais : « Le ventre sera toujours fécond, d'où a surgi la bête immonde. » A moins que, contrairement à ce qu'il nous semble aujourd'hui, le genre humain ne soit encore susceptible d'évoluer biologiquement et que cette évolution ne donne une espèce différente sur ce point de l'Homo sapiens. Mais je ne vois pas là une excuse pour les coupables et je n'ai pas plus de sympathie pour les talibans ou les milices de Daech que pour les Einsatzgruppen nazis.
Marc Trévidic utilise dans son livre le terme d'embrigadement. Il me semble que c'est un terme tout à fait pertinent pour désigner cette pression exercée par certains de nos semblables pour conduire une partie d'entre nous, alors que la vie en société nous inculque l'interdit de l'homicide, à transgresser cet interdit, parfois jusqu'à un point extrême, parfois pour les raisons les plus futiles. Je ne suis pas certain qu'il soit bon de refuser absolument de prendre les armes contre qui que ce soit, mais au moins faut-il s'efforcer de toujours cultiver sa liberté de penser, dans l'espoir d'éviter d'être mis au service d'une oppression.

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Posté: Mer 31 Déc 2014 17:46
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Bonjour Le Régent,

je suis justement en train de m'occuper de Daech en ce moment. Il possède certainement des caractéristiques originales par rapport à Al Qaida, et en général à toutes les organisations djihadistes issues ou héritières, de près ou de loin, des Frères Musulmans qui ont une très longue histoire (assez bien connue quand même).
Je me persuade que, pour envisager ces phénomènes qu'on désigne de terroristes (faute de mieux pour certains, par hypocrisie pour d'autres), l'on ne peut faire l'économie à la fois de l'échelle macro, l'analyse de politique internationale et parfois géopolitique (après tout, l'Histoire a toujours désigné de "terroristes" les opposants à un régime politique... tant qu'ils n'accèdent pas au pouvoir), et de l'échelle micro : soit psychologique individuelle, soit sociologique mais toujours relative au comportement des acolytes.
Les deux ouvrages parus en France sur le Daech jusqu'à présent n'adoptent ni l'une ni l'autre approche, malheureusement. Ils ne dissipent donc que très peu de brouillard...
L'analyse sociologique des motivations des djihadistes occidentaux, en particulier, brille encore par son absence. On sait seulement que Daech a monté un véritable système de Sécurité sociale et que ses salaires sont assez attractifs, même pour un banlieusard français RMIste.
De passage en Italie, j'ai eu l'opportunité de voir que l'islamologue universitaire (Trieste) et ancien député italien d'origine algérienne Khaled Fouad Allam - que je connais personnellement de longue date - a très récemment publié un petit essai sur le sujet, Il Jihadista della porta accanto, mais sincèrement un rapide coup d'oeil ne m'a pas entraîné vers l'achat et la lecture...

A part cela, et pour me rattacher à la dernière partie de ta note, il faut que l'on m'explique pourquoi, même en ignorant l'évolution biologique d'Homo sapiens, celui-ci a incontestablement évolué sur les plans cognitifs et matériels, mais remarquablement pas sur le plan éthique...

Tous mes voeux les meilleurs pour la nouvelle année, à toi et aux ami(e)s agorien(ne)s.
_________________
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le_regent



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Posté: Ven 02 Jan 2015 23:33
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Bonsoir Apo
Merci pour tes vœux. Je te souhaite aussi une bonne année ainsi qu'à tous nos « collègues » agoriens.
Au-delà de ce qu'ils ont en commun, il me semble en effet voir des différences entre les divers groupes politiques jihadistes : taliban, Al Qaida, Daesh, mais aussi Aqmi, Aqpa, shebab, Boko Harram, etc... Il faudrait des connaissances approfondies sur chacune des régions du monde où ils s'efforcent de prendre le contrôle des populations pour appréhender réellement et en détail ce qui s'y joue. D'ailleurs, ceux qui sont en charge des pouvoirs publics semblent dépassés eux aussi par ces situations diverses, comme l'a montré le cours des événements en Lybie.
Je lis en ce moment le livre offert par l'aînée de mes petites-filles pour mon anniversaire, "Les Français sous les bombes alliées". Il contient, à propos de la préparation des Français à la guerre aérienne antérieurement à la défaite de 1940, une phrase qui a eu chez moi l'effet d'une amorce, produisant des réflexions dans un tout autre domaine : « Le secret est l'ennemi de la mobilisation. »
Dans quelques décennies, les historiens nous en diront plus sur le dessous des choses, mais le fait est qu'aujourd'hui les dirigeants de l'Etat français et ceux de certains de ces groupes sont en conflit armé. Est-ce pour préserver des secrets militaires, est-ce parce que la France, comme les deux tiers des pays ayant des forces armées en Europe, dispose d'une armée professionnelle, est-ce parce que nos dirigeants ne maîtrisent pas cette forme encore assez nouvelle de guerre et ne font que réagir au coup par coup ? Toujours est-il qu'il n'y a en France ni débat ni information de la population sur les perspectives politiques de cet engagement militaire, ni de préparation aux pertes qui ne manqueront pas de se produire tant chez les combattants que chez les civils, entre lesquels la distinction s'efface de plus en plus. Nos dirigeants semblent se contenter de récupérer à l'occasion les émotions suscitées par les événements. Bien malin qui croît pouvoir dire ce qu'il adviendra de tout cela.
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