Quand, pour Joseph Conrad, les ténèbres se tapissent au cœur de la forêt africaine, elles se matérialisent pour Jean Rhys dans la grisaille des rues de Londres. Comme dans "La prisonnières des Sargasses", nous suivons tout au long de ce "Voyage dans les ténèbres" une jeune femme en perdition.
Après la mort de son père, Anna est emmenée par sa belle-mère en Angleterre, après avoir toujours vécu aux Antilles, où elle est née. Alors âgée de dix-huit ans, elle doit pourvoir à ses propres besoins. Pour cela, elle intègre comme figurante une médiocre troupe de théâtre, dont les cachets lui permettent à grand peine de loger dans des pensions sordides. Pour pallier l'irrégularité de ses revenus, elle se lie parfois à des hommes, avec lesquels elle entretient des relations plus ou moins longues, au gré des desiderata de ces messieurs...
Elle mène ainsi une existence morne et sans perspectives, plombée par un environnement au sein duquel elle s'étiole peu à peu. Car c'est surtout d'elle-même, qu'Anna est en perdition. Seule, déracinée, dans l'incapacité de trouver sa place dans une société conçue par et pour les hommes, elle se laisse doucement sombrer dans une passivité morbide.
La parole que la narratrice fait entendre est à l'image de son délitement psychologique. Elle décrit son expérience londonienne du ton indifférent -et, paradoxalement, glaçant- de ceux qui ne trouvent plus d'attrait à l'existence. Ses propos, parfois décousus, trahissent son égarement et une détresse poignante.
Jean Rhys parvient, avec ce "Voyage dans les ténèbres", à nous faire oublier que c'est elle qui tient la plume...
Elle nous imprègne avec force de l'état d'esprit de son héroïne, nous faisant pénétrer dans son univers de torpeur tragique.
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