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[Les Bienveillantes | Jonathan Littell]
Auteur    Message
C-Maupin




Sexe: Sexe: Féminin
Inscrit le: 06 Mai 2006
Messages: 1917


Posté: Mar 17 Oct 2006 16:27
MessageSujet du message: [Les Bienveillantes | Jonathan Littell]
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C'est un livre qui m'a paru clair, rigoureux et intelligent.

Malgré quelques fautes de français, j'ai beaucoup apprécié son style varié et agréable. Il y a en général des phrases courtes, claires, nettes pour décrire des faits, souvent insupportables.
Parfois des phrases extrêmement longues, pleines d'incises, de nuances pour tenter de faire comprendre le mécanisme de ce qui est incompréhensible.

J'émettrai quelques réserves : un maquis de sigles (malgré quelques explications en fin de volume) rend la lecture parfois un peu difficile, en particulier pendant le siège de Stalingrad, le récit des manoeuvres de corps d'armée que je ne connais pas (avec toujours autant de sigles impossibles à retenir) dans une géographie que j'ignore (honte à moi mais ça ne m'intéresse pas) m'a paru particulièrement aride.
Par ailleurs les passages érotiques m'ont paru superflus et hors de propos, si ce n'est pour mettre en évidence le déséquilibre du héros, ce qui me paraît affaiblir la force du livre.

En effet celle-ci me paraît être la démonstration du fait que tout homme est capable de faire un mal absolu et en se trouvant des justifications : c'est pour moi l'intérêt principal de ce livre que de montrer jusqu'où peut arriver progressivement, dans un concours de circonstances peut-être exceptionnel (?), un homme normal, intelligent et cultivé et de nous inciter ainsi à une vigilance constante, vis-à-vis des autres mais surtout de nous-mêmes.

Commentaires de Gérard
:
Je trouve ce livre difficile à juger car, de mon point de vue, il comporte à la fois pas mal de points positifs ET de points négatifs.
Tout d’abord, en ce qui concerne la forme, si cette façon de nous faire vivre les événements décrits par l’intermédiaire des pensées du « héros » est assez prenante et, sur le sujet abordé, assez originale, l’excès de détails superflus, la multitude de personnages et les digressions fréquemment pesantes et indigestes en font parfois perdre un peu de l’intérêt. L’atmosphère de l'hiver russe et la débâcle des armées du Reich sont bien décrites, de même que la mentalité des intellectuels de la SS, mais ses rêves racontés là aussi avec un luxe excessif de détails déplaisants m’ont semblé bien inutiles.
Outre quelques fautes de français (en allemand aussi paraît-il, mais là, je ne peux juger…), j’ai éprouvé beaucoup de difficultés avec les sigles, tous les grades des diverses armées et les expressions allemandes non traduites. Sans toutes ces longueurs, ce roman aurait sans doute été beaucoup plus fort avec moitié moins de pages.

Venons au fond, quand même plus important !
Il n’y a pas là d’intérêt historique à propos de ces événements rebattus depuis plus de soixante ans, même si sa façon de décortiquer les manœuvres au plus haut niveau de l’état reste intéressante. La raison essentielle de ce roman me paraît être de nous mettre face à nous-mêmes et de nous pousser à nous demander si, dans des circonstances analogues, nous nous serions conduits, nous aussi, comme son « héros » qui reste un être humain, intelligent, cultivé, avec ses peurs, ses faiblesses, ses maladies…
D’abord on éprouve une certaine terreur de se dire eh oui, j’aurais pu être ce monstre cynique, pervers et indifférent, essentiellement dirigé par l’idéologie du régime, idée confortée par le fait que nous réagissons finalement peu face à tous les drames de notre monde actuel, parfois tout aussi odieux !
Et, donc, un côté extrêmement positif de ce livre est de nous rappeler et de souligner qu’il ne faut pas devenir insensible.
Mais, en cherchant à justifier ce comportement inadmissible, à nous en rendre presque complices, il me semble qu’il affaiblit aussi son argumentation. Certes, nous sommes tous plus sensibles à ce qui nous concerne ou à ce qui est proche qu’au reste, mais le décalage entre la pitié qu’éprouve le héros face au Berlin dévasté et (malgré ses quelques nausées) sa froideur devant les massacres, ses amalgames irritants entre juifs, tziganes et animaux néfastes, son absence de pitié, (quand il veut sauver des gens, c’est juste parce que cela pourrait être utile au régime) m’ont fait douter que les circonstances nous dictent nos choix à ce point-là.
J’aimerais donc continuer à croire que notre besoin de confort et nos faiblesses ne font pas de nous des monstres potentiels et que nous conservons un certain libre arbitre et, j’ose espérer qu’il restera toujours des hommes pour dire « non » quelles qu’en soient les conséquences quand cela est essentiel.

Finalement, je ne sais pas noter ce roman. Un livre à lire, très certainement ; mais qui présente diverses imperfections et aurait pu être encore plus fort. Je trouve qu’on en a trop fait à son sujet, et c’est peut-être simplement cela qui le dessert un peu…

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Auteur    Message
Mariecesttout



Sexe: Sexe: Féminin
Inscrit le: 18 Aoû 2007
Messages: 149


Posté: Ven 28 Sep 2007 9:11
MessageSujet du message:
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C'est un livre lu il y a déjà quelque temps, aussi je vais juste remettre ce que j'avais pensé du texte, et des -nombreuses- analyses qui en avaient été faites. Mas ce n'est bien sûr pas un livre que l'on oublie, et c'est un sujet qui attire toute mon attention depuis que j'ai lu George Steiner et Hannah Arrendt. Parce que je pense qu'il faudrait sans arrêt mettre l'homme en face de ses propres responsabilités, même si je ne sais pas si cela sert à grand chose...
Mais en tout cas, le personnage central des Bienveillantes n'est pas quelqu'un d'ordinaire, même s'il se présente ainsi. Beaucoup de psychopathes se présentent comme des hommes ordinaires. Et ce qui m'intéresse plus, en fait, c'est que la majorité des acteurs de cette tragédie humaine étaient des hommes ordinaires... ( à lire quelqu'un qui en parle très bien, Daniel Mendelshon, dont le livre Les disparus est une enquête sur sa famille).

Je copie donc ce que j'avais écrit à la suite de cette lecture:

Je vais tenter quelques réflexions, j'ai fini de lire ce livre il y a une dizaine de jours, et ces presque 900 pages ( et c'est écrit petit...) ne s'oublient pas en passant à autre chose.....
Ce récit est composé comme une suite musicale. Le premier chapitre est très court, 30 pages. Intitulé Toccata. Une vraie claque, qui pourrait suffire, on pourrait s'arrêter là, et beaucoup de choses seraient dites.
" Comme la plupart, je n'ai pas demandé à être un assassin. Si je l'avais pu, je l'ai déjà dit, j'aurais fait de la littérature...Qui, de sa propre volonté, à part un fou, choisit le meurtre? ....Il est des hommes pour qui la guerre, ou même le meurtre, sont une solution, mais moi, je ne suis pas de ceux-là, pour moi, comme pour la plupart des gens, la guerre et le meurtre sont une question, une question sans réponse, car lorsqu'on crie dans la nuit, personne ne répond. Et une chose en entraine une autre.....dire que s'il n'y avait pas eu la guerre , j'en serais quand même venu à ces extrémités, c'est impossible. Ce serait peut être arrivé, mais peut être non, peut être aurais je trouvé une autre solution........je suis un homme comme vous. Allons, puisque je vous dis que je suis comme vous!"
Voilà, si on s'arrête là et qu'on considère que le reste de ce roman n'est qu'un développement de ces quelques phrases ( je mets de côté la documentation,exceptionnelle, que même les détracteurs ont louée), on se retrouve dans un récit extrèmement bien fait dont la seule part fictionnelle est le personnage central, ce Max Aue , un homme brillant, cultivé, pas du tout antipathique, né à un mauvais moment à un mauvais endroit, et qui s'est retrouvé coincé parce que les circonstances historiques avaient permis la prise de pouvoir par un fou furieux.
Ce personnage nous met en face de nos responsabilités , qu'auriez vous fait, vous? nous dit-il, on prend ça dans les gencives, on repense à Steiner qui se posait toujours la même question de savoir comment on pouvait aimer la musique classique et assassiner des enfants, à l'intelligence d'Hannah Arrendt , très fine et précoce analyste.
Et puis Littell, dans ses entretiens, dit toujours la même chose: quand il était enfant, sa grande peur était qu'on l'envoie au Vietnam tuer des enfants..
La conclusion logique de tout cela, c'est une sorte d'acceptation du destin, la guerre est à l'origine de tout, il s'agit d'un parcours individuel qui s'inscrit en quelque sorte dans une folie collective ......
Oui....sauf que ce n'est pas si simple. Enfin, je ne crois pas que ce soit ce que Jonathan Littell veut faire comprendre. J'ai mis en italique les mots qui me semblent essentiels dans le discours initial du narrateur . Qui, il ne faut pas l'oublier, est un personnage fictionnel. . Et qu'est donc ce Max Aue, sinon un psychopathe typique? Un personnage figé à un stade très précoce affectivement, qui n'a jamais su ( à sa décharge, n'a jamais pu...) dépasser une passion fusionnelle et incestueuse avec sa soeur jumelle , qui tue sa mère quand celle-ci tente de le faire accéder à certaines vérités, dont le corps se repent par des somatisations diverses, mais l'esprit jamais, qui se sort de ces horreurs auxquelles il a directement et volontairement participé sans remords, en relativisant les chiffres et en faisant quelques calculs, intéressants mais sordides sur le nombre de morts juives par rapport aux morts soviétiques, allemandes, etc, et qui nous annonce d'emblée qu'il est marié, a des enfants , et qu'il dirige une usine de dentelle......Ah oui, il a encore bien des soucis digestifs, il fait quelques cauchemars, aussi, mais bon, il vit........
Et donc, cet homme, brillant, intelligent, qui n'a rien d'une brute épaisse, ne serait qu'un des maillons de cette responsabilité collective? Pas d'autre choix?
Hum.....Ce n'est pas ce qu'il dit ailleurs, et c'est en cela que Jonathan Littell est très malin.....
" Moi aussi, j'aurais pu demander à partir, j'aurais sans doute même reçu une recommandation positive de Blobel ou du Dr Rash. Pourquoi ne le faisais je pas? Sans doute n'avais je pas encore compris ce que je voulais comprendre. Le comprendrais je jamais? Rien n'était moins sûr. Une phrase de Chesterton me trottait par la tête: Je n'ai jamais dit que l'on avait toujours tort d'entrer aux pays des fées. J'ai seulement dit que c'était toujours dangereux. C'était donc cela, la guerre, un pays des fées perverti, le terrain de jeux d'un enfant dément, qui casse ses jouets en hurlant de rire, qui jette gaiement la vaisselle par les fenêtres?"
On n'est plus dans la responsabilité collective, là, ni dans la nième description de ce que la guerre peut faire des hommes. On est dans l'individuel, la folie individuelle,la responsabilité individuelle aussi, et les actes qu'un tel individu est capable de faire dans une guerre ...
Bref, je ne suis pas certaine d'être très claire, mais je trouverais très dommage que l'on généralise , que l'on banalise, à partir de ce très important et très réfléchi roman les folies meurtrières de certains....Cela n'enlève rien à la responsabilité collective, bien sûr, qui était réelle, mais un autre problème......
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amiread1



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Posté: Sam 29 Sep 2007 0:32
MessageSujet du message:
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Hou la la ça démarre fort ! je viens de lire vos deux notes de lecture sur les "Bienveillantes" . Je ne l ai pas (encore) lu , comme je l avais dit à Mariecettout ; toutefois ce livre brasse de tels problèmes ( une telle problématique dirais-je si je voulais faire dans le genre pédant...), que quelque soit notre opinion, notre avis,notre jugement, sur ce livre, et les éven ements historiques concomitants, nous nous exposons immanquablement à devoir polémiquer ou, au minimum, relativiser nos opinions et jugements.
Et après tout ce n est pas plus mal puisque nous sommes tous des gens censés et responsables , vivant en démocratie.
Donc adhésion a globalement tout ce que vous dites ; je me pose juste la question : ce salaud de Aue se peut il qu il soit notre frère, notre Alter ego ?
l on sait bien que les tortionnaires de toutes époques et de tous pays se recrutent dans la foule anonyme des "monsieurs Tout le monde", mais Quid de ceux qui disent NON ! ce n est meme pas une question de liberté, de libre arbitre ; c est (peut etre) avant tout une question d éducation.
Car c est vrai que la "Culture" ne vaccine pas contre les dérives arbitraires ; connaitre Malher, Bruckner, lire Proust et etre un fin connaisseur de l art Kmers du 13e (par exemple), na jamais empéche personne de tuer sa femme, son chien, ou de génocider une population entière. MAIS , l approfondissement de l esprit critique, la volonté incessante de comprendre le monde, de ne pas " sen laisser conter" et aussi le développement de certaines "valeurs" aussi bien laiques que confessionelles (oui je sais ça fait un peu "curé" mon truc), permettent de ne pas franchir la ligne de l irrémédiable : considérer son prochain comme un objet.
Pour en revenir à ceux qui disent NON. Deux exemples.

- Le général de La Bollardiere qui a préferé démissioner de l armée plutot qu avaliser la torture en Algérie.-

-Louis Rossel ; seul général a rallier la Commune de Paris et qui refusa de faire tirer sur le peuple; il fut fusillé par les versaillais...

Qu aurais je fait , que ferais je ?? difficile de répondre car qui peut prétendre se connaitre et sommes nous toujours le meme ou un autre a chaque instant différent de l existence ? je pose la question !
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Mariecesttout



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Posté: Sam 29 Sep 2007 5:05
MessageSujet du message:
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Je crois aussi bien sûr , et Steiner le dit et le répète, que seule l'éducation telle que tu la décris, peut -peut être- permettre une non-répétition de l'histoire. Faisons confiance à TF1 qui nous apprend à dire non:)Smile
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amiread1



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Posté: Sam 29 Sep 2007 17:55
MessageSujet du message:
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J ai cru déceler sous ton affirmation un léger persiflage...que je partage totalement.
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