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Les notes de lectures recherchées

14 livres correspondent à cette oeuvre.

Il y a actuellement 3 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).

Notation moyenne de ce livre : (5 livres correspondant à cette oeuvre ont été notés)

Mots-clés associés à cette oeuvre : 1984, classe ouvriere, classe sociale, commercant, etude, famille, folio, france, normandie, pere, prix renaudot, province, roman, trahison

[La place | Annie Ernaux]
Auteur    Message
andras



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 20 Sep 2005
Messages: 1800
Localisation: Ste Foy les Lyon (69) -- France

Posté: Dim 26 Nov 2017 13:29
MessageSujet du message: [La place | Annie Ernaux]
Commentaires : 0 >>

"Je voudrais dire à la fois le bonheur et l'aliénation." Telle est la mission que se donne Annie Ernaux en nous donnant à lire ce court et fort récit sur sa famille et tout particulièrement sur son père, d'origine paysanne, devenu ouvrier puis commerçant, tenant avec sa femme un modeste "bar-épicerie-bois-charbons" dans la petite ville normande d'Yvetot. Elle ajoute, lucide : "Impression, bien plutôt, de tanguer d'un bord à l'autre de cette contradiction." En effet, de ces deux pôles – bonheur et aliénation –, on a le sentiment que c'est largement l'aliénation qui domine et notamment dans le langage de son père, qu'elle souligne ici en italique et qui montre combien son univers est contraint, répétitif et gris : "Il gardait ses idées pour lui. <i>Il n'en faut pas dans le commerce</i>" ; "Ils avaient peur d'être roulés, de tout perdre pour finalement <i>retomber ouvrier</i>". Le bonheur est ici plus difficile à percevoir, par exemple : "Dans la cour, l'hiver, il crachait et éternuait avec plaisir.".

Certains lecteurs se sont indignés devant ce qui leur semblait être du mépris pour ses parents, ou, pire encore, un mépris de classe envers les petites gens. Je m'insurge contre cette interprétation qui me semble relever d'un contresens total. En écrivant ce texte, Annie Ernaux clame haut et fort qu'elle appartient à ce milieu populaire mais elle en dénonce le caractère aliénant. Ce qui est aliénant, c'est la condition sociale de ces gens. C'est elle qui marque de son empreinte leurs faits et gestes, et leur langage. On ressent aussi par ce texte toute la force qu'il faut à une jeune fille pour s'affranchir de cette aliénation, sans pour autant renier ses origines. Car je ne vois dans ce livre aucun reniement. Juste un regard lucide, sans fausse complaisance, porté sur son père et sur la distance qui se creusait entre ce père et sa fille, en quête d'émancipation.

Le style d'Annie Ernaux a aussi été décrié en s'appuyant sur les mots même de l'auteur : "Aucune poésie du souvenir, pas de dérision jubilante. L'écriture plate me vient naturellement, {...]". A mon avis, il faut ici entendre "plat", non pas comme "insipide" ou "monotone" mais plutôt comme "dénué de tout lyrisme". Elle cherche à écrire de façon dépassionnée, factuelle. Mais l'écrivain est bien là, dans le choix des mots, le choix des angles pour ses "prises de vues", le choix de faire apparaître par petites touches l'écrivain au cours de son récit. Pour moi qui ai attendu si longtemps avant de découvrir cette auteure, ce style est absolument superbe, parfaitement adapté à son propos. C'est à peu près ce que j'avais également ressenti à la lecture du roman d'Edouard Louis "En finir avec Eddie Bellegueule", roman lui aussi controversé.

Seul regret à la lecture de "La place" : la brièveté du texte. Mais heureusement, il me reste les autres "chapitres" de la vie d'Annie Ernaux à découvrir.
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[La Place | Annie Ernaux]
Auteur    Message
ingannmic



Sexe: Sexe: Féminin
Inscrit le: 22 Aoû 2008
Messages: 737
Localisation: Mérignac

Posté: Jeu 22 Nov 2012 8:31
MessageSujet du message: [La Place | Annie Ernaux]
Commentaires : 0 >>

Dans nombre de ses romans, Annie Ernaux parle d'elle, de ce qu'elle a vécu, des expériences qui l'ont marquée, qu'elles soient douloureuses, ou simplement inscrites dans le parcours d'une existence a priori ni plus ni moins extraordinaire qu'une autre.
Ainsi, l'amour, la maladie, la mort, sujets qui, s'il en est, nous touchent tous à un moment ou un autre, ont été à l'origine de textes superbes.
Superbes d'une part parce que l'écriture d'Annie Ernaux est un parfait mélange d'élégance et de simplicité, mais aussi parce qu'elle a cette -rare- aptitude à pratiquer l'introspection sans complaisance, à exprimer son ressenti sans succomber à la tentation de l'autocensure ou de l'enjolivement.

Avec "La place", elle a une approche quelque peu différente. Dans ce court texte essentiellement constitué de la relation de faits, de souvenirs, d'anecdotes, elle évoque son père, sa condition d'ouvrier puis de commerçant, ses derniers instants.

Elle réalise que pour rendre avec justesse cette "vie soumise à la nécessité", sans éclat ni passion, elle doit s'astreindre à une narration neutre, épurée au maximum de toute émotion. Sans doute est-ce pour cela qu'elle ne prénomme pas ses protagonistes, qui resteront tout au long du récit désignés comme étant "le père", "la mère", ou encore "l'enfant".
On a ainsi l'impression d'une sorte de distance entre l'auteure et son sujet, comme si elle avait des difficultés à se situer elle-même dans le tableau qu'elle brosse de l'existence de ses parents, comme si elle examinait, de manière détachée, la relation qui l'unissait à eux, et plus particulièrement à son père. De même, c'est presque sur le mode du constat qu'elle évoque l'éloignement qui s'est creusé entre eux lorsqu'elle a changé de milieu en devenant professeur et en épousant "un homme né dans une bourgeoisie à diplômes".

"J'ai glissé dans cette moitié du monde pour laquelle l'autre n'est qu'un décor".

Cette autre moitié, celle dont elle est issue, représente quant à elle un monde où l'on parle peu, un monde étranger aux effusions, à l'ironie, à la culture. On s'y montre parfois même un peu bourru, le pragmatisme y tient presque toute la place. Et surtout, ce monde est régi par l'obsession de ce que les autres vont penser de vous. Il convient de de préserver sa dignité en toutes circonstances, c'est-à-dire de savoir rester à sa place.

Et pourtant, malgré ce détachement, cet éloignement, qu'elle ne semble pas vraiment regretter, on sent poindre, lorsque survient un souvenir presque attendri, l'expression des sentiments qu'elle éprouvait -et éprouve encore- pour cet homme qu'avec ce roman, elle réhabilite, en quelque sorte. C'est fait avec beaucoup de subtilité : comme la relation qui unissait Annie et son père, tout est, dans "La place", une affaire de retenue et de non-dits.

Et c'est néanmoins très beau..
.

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[La Place | Annie Ernaux]
Auteur    Message
amiread1



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 16 Mar 2007
Messages: 812
Localisation: Chateaudun

Posté: Ven 31 Oct 2008 22:32
MessageSujet du message: [La Place | Annie Ernaux]
Commentaires : 5 >>

" Je hasarde une explication : écrire c'est le derniers recours quand on a trahi."

Cette belle phrase de Jean Genet que Annie Ernaux place en exergue de son livre est une sorte d'aveu. Trahir ...? Trahir la classe ouvrière bien sûr, dont sont issus les parents de Annie et qu'elle même "abandonnera" à la fin de ses études pour entrer dans le monde "petit bourgeois" de la culture et de l'intellect...
Dans ce petit livre dense Annie Ernaux revient sur son enfance en Normandie et plus particulierement sur son père qu'elle évoque à travers des instantanés aux couleurs sépia : le café-épicerie de ses parents,les sorties du dimanche, les repas de famille,les foires d'Yvetot...tout ce monde de l'immédiat après-guerre dont ses parents ne sortiront jamais tout à fait.

Avec une lucidité acerbe elle pointe tous les petits travers de son père, ses habitudes qui l'enserraient dans un carcan...
"Le repas fini, il essuyait son couteau contre son bleu. S'il avait mangé du hareng, il l'enfouissait dans la terre pour lui enlever l'odeur."

Au fil des années et des études l'écart se creuse entre ses parents et elle. Annie fréquente des copines de la petite bourgeoisie : "J'émigre doucement vers le monde petit-bourgeois,admise dans ces surboums dont la seule condition d'accès, mais si difficile,consiste à ne pas être cucul. "
La "trahison"va être consommée quand Annie entrera à l'université : "Mon père est entré dans la catégorie des"gens simples" ou "modestes" ou "braves gens". Il n'osait plus me raconter des histoires de son enfance."

J'ai retrouvé dans "La place" la même écriture plate et blanche que dans "Les années". Et loin de gâcher le propos, le style dépouillé de Annie Ernaux en fait ressortir toute l'humanité déchirante. Le livre s'ouvre et se finit sur l'évocation de la mort de son père ; autant dire que ce n'est pas un ouvrage gai. Et pourtant inexplicablement je l'ai senti comme un ouvrage "qui fait du bien" ; magie de l'écriture ???
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