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[Sensibilités | Tania de Montaigne]
Auteur    Message
Swann




Sexe: Sexe: Féminin
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Messages: 2678


Posté: Sam 19 Juil 2025 13:08
MessageSujet du message: [Sensibilités | Tania de Montaigne]
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Apologue plein d'humour et d'ironie, Sensibilités raconte le parcours d'une directrice de maison d'édition Feel Good, qui désire bannir tout malaise, toute frustration chez ses lecteurs. En effet, un auteur, ressemblant à Salman Rushdie, ayant été assassiné car un croyant s'était senti blessé par ce qu'il avait été écrit, la directrice souhaitait éviter le plus possible qu'une telle chose puisse arriver à l'avenir à ses auteurs maisons.
Donc on bannit tout ce qui pourrait être clivant, la religion, les orientations sexuelles, on renomme, on met des majuscules, on entretient une sorte d'idée de repentance, et surtout, on gomme, on efface...

Le début du récit paraît un peu facile, puis Tania de Montaigne monte la vapeur, affûte les situations, les mots, les aberrations avec beaucoup d'humour, jusqu'à l'absurde, quittant la simple caricature. L'apologue tient au fait que tous ces scrupules et contournements, cette sollicitude excessive ôte le plaisir de lire mais surtout n'empêche absolument pas le raciste, l'injustice, les discriminations, la violence, de s'opérer partout dans le monde.
Le plaisir de la lecture de ce roman tient aussi aux quelques passages d'autofiction où l'autrice devient un personnage : le titre Noire est par trop dérangeant, on lui propose de le remplacer par Bus (son récit relate l'histoire de Claudette Colvin, une écolière qui refusa, un an avant Rosa Parks, de laisser sa place à une Blanche) ; puis de réécrire certaines phrases dont l'ironie pourrait n'être pas perçue et déranger les bas-de-plafond qui croiraient vraiment lire un ouvrage raciste.
Je reconnais me préoccuper de la réception des œuvres que je fais étudier par des mineurs, avec heureusement moins de scrupules qu'avant, après qu'une collègue m'a dit : "Si on se préoccupait des fous, des imbéciles, de ceux qui ne distinguent pas la fiction de la réalité, on n'aurait jamais réalisé Superman. Des gens se sont défenestrés, hélas, mais tant pis." Ça n'était pas la cruauté du darwinisme, fort heureusement, mais la démonstration qu'il y a toujours un lecteur, un spectateur, qui va un jour tomber sur une œuvre qui va aviver sa blessure ou sa psychose. Mais c'est la réalité qu'il faut aménager, pas l’œuvre qui peut représenter des situations condamnables pénalement tant qu'elle n'en fait pas l'apologie.

Citations :
Sa mère adoptive se battait pied à pied contre le temps, craignant plus que tout qu'une plus jeune prenne sa place et ne devienne, à son tour, Madame Bénéteau. Elle était heureuse chaque fois qu'on lui disait : "Mais vous ne changez pas, c'est incroyable. Il en a de la chance, votre mari !" Monsieur Bénéteau, lui, changeait, mais ça n'avait aucune importance, quoi qu'il arrive, il serait toujours Monsieur Bénéteau.
• - Avez-vous entendu parler du problème avec le mot "chef" ?
- Non, qu'est-ce qui se passe ?
- Il paraît que c'est IRRESPECTUEUX.
- C'est pas vrai ! Mais depuis quand ?
- Ça vient de tomber.

Quelqu'un, quelque part dans le monde, avait signalé que le mot "chef" pourrait éventuellement mettre mal à l'aise des personnes Amérindiennes/Natives/Autochtones/Premières Nations, s'il était utilisé pour désigner des "chefs" qui ne seraient pas précisément des chefs Amérindiens/Natifs/Autochtones/Premières Nations

"Éviter de remplacer le mot "chef" par "maître et maîtresse" qui pourrait mettre mal à l'aise les personnes de couleur/Afro/Afro-Américaines/Afro-descendantes/Afro-Européennes/Afro-Caribéennes/Foncées de peau/Racisées/Métisses foncées/Esclavo-descendantes", articles 15, extrait de la charte Feel Good.
L'employé du service technique accepta leurs excuses. Il ajouta que, plutôt que d'être noyé sous des brassées de roses et de s'entendre dire, à longueur de journée, qu'il était beau et inspirant, il préférait qu'on revalorise son salaire, jamais augmenté depuis dix ans. On lui répondit que ça n'était pas possible mais qu'en revanche, il aurait son portrait affiché dans le hall de Feel Good pendant tout le semestre.
• Sur une autre chaîne, le chef de la police admettrait que le fait d'étouffer quelqu'un avec son genou était peut-être un problème.
- Même si la personne est coupable ?
(...)
- Oui, même dans ce cas-là, répondit le chef de la police après quelques secondes de réflexion.
- Mais si la personne est coupable, elle a bien choisi de prendre un risque et doit en assumer les conséquences, non ? poursuivit le journaliste.
- Notre travail, reprit le chef de la police, c'est d'amener la personne devant un juge, pas de la tuer. J'ai échoué. Honte sur moi. Je dois faire mieux.

*- Il me semble que la littérature comme tous les arts est un des rares espaces où l'on peut voyager dans l'Autre, être quelqu'un ou quelque chose qu'on n'est pas dans la vie réelle. Ce qui, en soi, est un risque.

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