Posant comme axiome que la grande majorité des humains dans sa recherche de nourriture culturelle (livre,films,théatre...) se complait dans le spectacle des turpitudes de leurs semblables,Nancy Huston part en guerre contre tous ces "professeurs de désespoir" qui dans leurs éructations créatives n'ont de cesse de proclamer la fin du genre humain, si possible dans une apothéose de nihilisme...

Nancy Huston étudie le cas de plusieurs écrivains représentatifs de ce courant dont l'initiateur serait Schopenhauer,leur père à tous lui qui ne voyait que déterminisme et volonté aveugle dans le grand mouvement de la vie. Successivement sont soumis à l'expertise savante et savoureuse de Nancy : Samuel Beckett,Emil Cioran,Imre Kertesz,Thomas Bernhard,Milan Kundera... la liste se termine par Christine Angot (?!) et Linda Lê.
Pour Nancy Huston le dénominateur commun à tous ces auteurs c'est la génophobie, la peur-haine, d'engendrer une descendance ; effectivement peu de ces auteurs ont eu des enfants. Tout au long du livre toutes les ressources de la psychologie,de la psychanalyse aussi sont mises à contribution pour tenter de comprendre l'attirance de tous ces écrivains pour le néant,la disparition, la mort,le refus de la vie...
C'est un livre qui se lit facilement, absolument pas jargonnant, d'une belle écriture souvent teintée d'humour ; car Nancy Huston ne peut s'empécher de se moquer sarcastiquement de tous ces sectateurs du nihilisme qui en rajoutent dans la déréliction. ET la nuance ? leur crie-t-elle,jamais vous nuancez ? votre vie c'est toujours malheur et compagnie et jamais vous n'otez vos lunettes lugubres pour voir simplement la vie TELLE QU 'ELLE EST ! et Nancy de mettre en avant sa vie à elle,ses enfants,ses amis(es),les instants de déchirement lorsque l'on perd un être cher,les instants de bonheur lors de retrouvailles attendues, la voilà la VIE semble t-elle leur dire !

Et d'ailleurs le plus nihiliste d'entre eux tous,Cioran, n'a t-il pas écrit :"Nous sommes tous au fond d'un enfer dont chaque instant est un miracle".

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Très belle note de lecture à laquelle j'adhère complètement. Je trouve comme toi que NH a une façon unique et très revigorante de faire de la critique littéraire. Elle se fiche bien des pieds d'Estale sur lesquels sont juchés les auteurs qu'elle décortique et cela est assez jubilatoire. La critique "officielle" la boude ou la moque ? Et alors ? Tiens bon, Nancy ! J'attends toujours pour ma part un livre sur le couple Sartre-Beauvoir autour duquel elle "tourne" depuis longtemps.

Et merci pour la citation de Cioran ... que NH ne pourrait renier !

Salut Andras. Je dois te dire que j'ai pensé à toi en postant cette note de lecture ; en effet c'est un peu grâce à toi que j'ai abordé N.H, dont je n'avais lu aucun livre, par un roman que,précisemment, tu n'avais pas trop aimé :Dolce agonia ; et puis j'ai lu également tes notes de lecture et celle de Nadjalou concernant "Professeurs de désespoir"... et bien sûr elles apportent chacune quelques pièces au puzzle ... notamment sur un aspect qui m'avait échappé (le rire...). Mais peut-être ce qui m'a le plus réjoui dans cette oeuvre c'est le sentiment de jubilation qui affleure à chaque phrase,même quand N.H aborde les névroses de E. Jélinek ou les délires de S. Kane ; Déesse Suzy à ses cotés,à sa table de travail,thé ou café, je la vois bien s'exclaffant de ses trouvailles,réglant son compte au corseté Kundera ou se môquant des enflures houellebecquiennes ! Je viens juste d'envoyer un post à une réponse de Brujula concernant "La vie mentie" de Del Castillo et je lui disais que celui çi se trouvait dans mon top 5 de mes écrivains préférés... bon il va falloir qu'ils se serrent tous pour faire de la place à Nancy...