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Les notes de lectures recherchées

3 livres correspondent à cette oeuvre.

Il y a actuellement 2 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).

Notation moyenne de ce livre : (2 livres correspondant à cette oeuvre ont été notés)

Mots-clés associés à cette oeuvre : art moderne, demagogie, ecriture, ecrivain, litterature afro-americaine, litterature americaine, snobisme

[Effacement | Percival Everett]
Auteur    Message
C-Maupin



Sexe: Sexe: Féminin
Inscrit le: 06 Mai 2006
Messages: 1917

Posté: Lun 03 Mai 2010 12:00
MessageSujet du message: [Effacement | Percival Everett]
Commentaires : 0 >>

Commentaires de Gérard :
L'idée est intéressante et les réflexions sur les états d'âme du héros et sa schizophrénie (se vend-il pour gagner beaucoup d'argent ou reste-t-il un universitaire peu lu ?) fort pertinentes.
Mais, j'ai regretté que cette imposture littéraire soit un peu perdue dans un ensemble de notes et de digressions hors sujet (peut-être la culture américaine me manque-t-elle pour en apprécier tout le sel ?) ; de plus l'intégralité de son roman parodique du style "nègre" (80 pages !) ne m'a pas paru être nécessaire.
En conclusion, de bonnes idées et une ironie souvent appréciable, dans une forme quelque peu déconcertante.
et de C-Maupin
Dans cet ouvrage, Everett réussit avec brio et une ironie mordante à renvoyer dos à dos les émules de Barthes et les tenants du roman réaliste et vulgaire. Pour moi l'aventure du héros m'évoque Gary-Ajar : je n'ai jamais réussi à lire "Clair de femme" et "la vie devant soi" ne m'a paru qu'un écrit démagogique et sans intérêt.
En revanche le roman d'Everett est une voie moyenne, passionnante et agréable à lire, à laquelle l'ironie et l'humour donnent un piquant savoureux.
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[Effacement | Percival Everett]
Auteur    Message
Max




Inscrit le: 10 Aoû 2006
Messages: 403

Posté: Mer 25 Nov 2009 13:50
MessageSujet du message: [Effacement | Percival Everett]
Commentaires : 4 >>

Thelonious Ellison – dit Monk – est un écrivain noir américain d'avant-garde dont les romans, très érudits, se vendent mal. Alors qu'il excelle dans la réécriture des Perses d'Eschyle, ou l'étude critique de Barthes, ce qu'attend de lui le monde de l'édition c'est un roman "black", une histoire de ghetto conforme au marketing du roman réaliste "identitaire" afro-américain. Ecœuré et révolté par la médiocrité et le succès de l'un de ces ouvrages dits de "littérature noire américaine", il en écrit, sous pseudonyme, une parodie. Résultat : la supercherie se transforme en best-seller ! Ecartelé entre une carrière universitaire végétante, une vie sentimentale au point mort, des crises familiales à répétition et un triomphe sous pseudonyme qu'il n'assume pas, Monk vacille et frôle la schizophrénie.

Ce roman est un pur bonheur, un vrai régal ! Il y a d'abord le plaisir du pastiche, l'acidité ironique de la farce et la satire souvent très drôle de l'inanité du monde de l'édition et des médias (la veulerie paresseuse du monde de l'édition, le suivisme couard de la critique et des prix littéraires ou encore la vulgarité des bateleurs de talk-shows).

Il y a ensuite ces éclats d'érudition qui parsèment le récit, sans pédanterie aucune : Percival Everett est un auteur exigeant, pour qui l'écriture romanesque est indissociable d'une réflexion sur l'art du roman et son rôle dans la société. Ainsi son roman questionne sur qu'est-ce qu'être écrivain ? Qu'est-ce qu'être afro-américain ? Et, corollairement, qu'est-ce qu'être un écrivain afro-américain ? Et ne peut-on dissocier ces deux conditions ? Le thème central du livre est donc bel et bien celui de l'identité en une mise en abîme vertigineuse : l'œuvre de Monk (et par extension celle de Everett) est un questionnement continu sur leur condition d'écrivain afro-américain avec laquelle ils semblent être tous deux en conflit permanent. C'est une réflexion politiquement incorrecte sur la façon avec laquelle les blancs reçoivent les romans écrits par des Américains noirs. Une distinction qui existe, et qu'Everett combat.

« Au volant sur la nationale 50, Mère à côté de moi, Lorraine derrière, emmenée à son corps défendant, je passais en revue les défauts du roman que j'allais publier, que j'avais proposé justement parce qu'il était mauvais, mais dont la nullité maintenant me tourmentait. Bien sûr, c'était une parodie, mais si peu pensée que même en tant que telle j'avais du mal à la prendre au sérieux. C'était un texte ennuyeux, avec pour seule vertu sa brièveté. Il n'y avait aucun jeu sur les structures ni même la typographie. En vérité, d'un point de vue artistique, ce travail à mes yeux n'occupait aucun espace intelligible. Malgré l'apparent souci de l'espace et l'expérience d'aliénation de Van Go, il n'y avait rien de remarquable dans l'écriture qui me renvoyât à moi-même. Quand je me surpris à ces pensées, je fis la découverte la plus affligeante de toutes : je me torturais l'esprit avec de prétentieuses inepties pour éviter de confronter la véritable accusation qui pesait sur moi : je m'étais vendu. » (p. 225-226)

« Le terrifiant dans l'histoire est qu'en niant ou refusant toute complicité dans la marginalisation des auteurs "noirs" je me retrouvai au plus loin de l'autre côté d'une ligne n'ayant d'existence qu'au mieux imaginaire. Pour moi, écrire ne relevait ni du témoignage ni du geste de protestation sociale (même si, d'une certaine façon, écrire en relève toujours) et je n'étais pas non plus porté par une prétendue tradition orale. Je n'avais jamais eu l'intention de libérer qui que ce fût, ni de produire la peinture authentique dernier cri de la vie de mon peuple, n'ayant jamais eu de peuple dont j'eusse une idée assez précise pour le peindre. Si j'avais écrit juste après le Reconstruction, peut-être aurais-je eu pour propos d'élever la condition de mes semblables soumis à l'oppression. Mais l'ironie était superbe. J'étais victime de racisme pour n'avoir pas reconnu de différence raciale ni accepté que mon art fût défini comme un exercice autobiographique émanant d'un représentant d'une race. Je devais donc d'échapper à l'oppression économique à un livre du même acabit que ceux que je jugeais racistes. » (p. 294)

Percival Everett jongle ainsi avec habileté entre les genres littéraires, passant de la parodie au questionnement sur l'art ou à la quête identitaire, sans jamais se départir d'une dérision douce-amère des plus opportunes. Son ironie s'humanise toutefois dans le cadre des relations familiales. Il évoque avec tendresse l'héroïsme quotidien d'une sœur médecin, les absences loufoques d'une mère alzheimerienne, la découverte de la double vie d'un père ou les incertitudes d'un frère dont l'homosexualité se révèle tardivement. Il met en évidence avec finesse cet amour maladroit qui se joue entre des êtres merveilleusement ordinaires.

Ce récit est magistral : une parodie acide à l'ironie burlesque infaillible et à l'érudition réjouissante, le tout porté par une construction étonnante, inventive et originale, une écriture fluide et attentive et un grand sens des dialogues. Du grand art, intelligent et jubilatoire !


le cri du lézard
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