Logo Agora

 AccueilAccueil   Votre bibliothèqueVotre bibliothèque   Ajouter un livreAjouter un livre   FAQFAQ   RechercherRechercher   ForumsForums 
 MembresMembres   GroupesGroupes   ProfilProfil   Messages privésMessages privés   ConnexionConnexion 
Les notes de lectures recherchées

12 livres correspondent à cette oeuvre.

Il y a actuellement 2 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).

Notation moyenne de ce livre : (8 livres correspondant à cette oeuvre ont été notés)

Mots-clés associés à cette oeuvre : 1996, 1998, actrice, art, cinema, deuil, divorce, etats-unis, famille, hollywood, litterature, litterature americaine, mensonge, paternite, pere, points, roman, scenariste, serbie

[Karoo | Steve Tesich]
Auteur    Message
andras



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 20 Sep 2005
Messages: 1800
Localisation: Ste Foy les Lyon (69) -- France

Posté: Lun 29 Aoû 2016 11:13
MessageSujet du message: [Karoo | Steve Tesich]
Commentaires : 1 >>

"Le film d'Arthur Houseman, c'était autre chose. C'était un chef d’œuvre. Il faisait appel à ce qu'il y avait de meilleur en moi rien que pour que je puisse l'apprécier à sa juste valeur, et déjà là, je ne me sentais pas vraiment à la hauteur." Cette phrase est une réflexion de Saul Karoo, le narrateur du livre, au sujet du film qu'un producteur très en vue d'Hollywood vient de lui confier afin qu'il en refasse complètement le montage. Et c'est exactement ce que je ressens après avoir lu Karoo de Steve Tesich. Je suis devant ce livre rare comme on n'en rencontre qu'une poignée dans sa vie. Et quand cette vie est plus proche de son terme que de son début, comme c'est le cas pour moi, on se dit qu'il faudrait un miracle pour qu'à nouveau un livre nous procure autant d'émotions que les meilleurs romans qu'on a déjà lus. Pour moi, Karoo est un vrai choc littéraire comme on n'en a que quelques uns dans sa vie et plutôt que de rédiger une critique qui ne rende pas pleinement justice à la beauté et la finesse de ce roman, j'aimerais me contenter de dire : "lisez-le, c'est magnifique !". Je vais malgré tout tenter d'en dire un peu plus.
Ce livre associe à mes yeux, ce qui est plutôt rare, une grande maîtrise de la construction et du rythme du récit à une extrême sensibilité dans la peinture des personnages et des situations dans lesquelles l'auteur les plonge. Sur ces deux aspects, on pourrait aisément comparer Tesich à un William Styron, un John Irving ou un Stefan Zweig. Troisième dimension, ce roman possède une profondeur historique et psychologique tout-à-fait impressionnante. Sont convoquées ici les mânes d'Homère, de Sophocle ou de Shakespeare (et parfois explicitement, comme avec Ulysse, les Atrides, Le Roi Lear pour ne citer que ceux-là). C'est une dimension que j'avais déjà appréciée dans quelques romans contemporains comme par exemple Middlesex de Jeffrey Eugenides ou Les Bienveillantes de Jonathan Littell. Quatrième dimension, celle de la confrontation entre mensonge et vérité, entre fiction et réalité, entre vie rêvée et absurde du quotidien. Là c'est au roman Les heures de Michael Cunningham que je pense, ou encore à la labyrinthique Maison des Feuilles de Mark Z. Danielewski, ainsi qu'à toute l'oeuvre de Paul Auster ou celle d'Emmanuel Carrère. Enfin, last but not least, il y a la cerise sur cette superbe pièce montée, je veux parler de son humour qui est un humour à la fois métaphysique, convoquant Eros et Thanatos, et irrésistible de drôlerie - j'ai éclaté de rire à plusieurs reprises. Cette fois c'est l'esprit facétieux du Romain Gary de Chien Blanc ou de Gros-Calin ainsi que celui plus sombre de La Promesse de l'Aube et de Pseudo qui me semblent hanter ce livre.
Peut-être trouverez-vous exagérée cette énumération de références toutes plus prestigieuses les unes que les autres : l'effet ne serait-il pas alors de disqualifier ma critique et de vous détourner de cette lecture ? Ne dit-on pas : "Quand la mariée est trop belle ..." ? Alors laissez tomber tout cela, disons que je n'ai rien dit ou seulement ceci : "Karoo est un livre magnifique, lisez-le !"
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
 
[Karoo | Steve Tesich]
Auteur    Message
ingannmic



Sexe: Sexe: Féminin
Inscrit le: 22 Aoû 2008
Messages: 737
Localisation: Mérignac

Posté: Jeu 29 Nov 2012 21:39
MessageSujet du message: [Karoo | Steve Tesich]
Commentaires : 0 >>

Qui est, en définitive, Saul Karoo ?

Est-il la représentation du dernier stade en date de l'évolution humaine ? Stade auquel l'individu, soumis aux diktats d'une société de l'image et de la réussite sociale, aurait annihilé en lui toute faiblesse sentimentale, toute propension à l'émotion ?
Est-il la victime d'un environnement que la combinaison des éléments (familiaux, sociaux, professionnels) aurait rendu émotionnellement déficient ?

La seule certitude, c'est que Karoo est malade. Malade parce qu'il a un vide en lui, qui finit par le dévorer... Le roman de Steve Tesich est en quelque sorte le récit d'un homme qui, parti en quête de ses profondeurs, en est revenu bredouille, et ne l'a pas supporté !

A première vue, tout va bien, pourtant, pour ce quadragénaire américain installé dans un somptueux appartement New-Yorkais. Cet écrivaillon sans talent a fait fortune et s'est rendu célèbre dans la réécriture de scenarii pour le cinéma. Il transforme en succès commerciaux les œuvres soumises à sa plume. Son patron lui fait totalement confiance. Il ne s'est jamais aussi bien entendu avec sa femme que depuis qu'ils se sont séparés, et qu'ils n'en finissent pas de discuter les termes de leur divorce. Son fils adoptif, Billy, un intelligent et homme, l'adore.
Certes, ses proches le considèrent comme un menteur aux vaines promesses... Il est cynique, de mauvaise foi, et c'est de surcroît un alcoolique notoire. Et puis il est affligé d'une sorte de répulsion envers l'intimité qui l'empêche d'avoir des rapports profonds et sincères avec ses proches, notamment avec son fils.
Mais Karoo semble accepter avec philosophie cette image de lui, dont il joue d'ailleurs lui-même, avec une désinvolture étudiée. C'est en effet tellement plus facile, plus confortable, de se conformer à l'image que les autres ont de vous, et que vous avez d'ailleurs contribué à construire. Cela dispense des remises en questions...

Et puis arrive un jour où l'alcool n'a plus aucun effet sur lui, quelle que soit la quantité absorbée. Mais il continue de simuler l'ébriété. Il réalise qu'il a pris du poids, que ses cheveux sont ternes et son teint terreux. Mais il fait celui qui n'en n'a cure.
Et puis arrive un jour où un problème de conscience se pose à lui, lorsqu'on lui demande de remanier le film d'un talentueux cinéaste sur le point de mourir, qui s'avère être un chef-d’œuvre. Mais sa conscience va rapidement se taire : par habitude, par confort, toujours, il choisit de faire ce que l'on attend de lui. Pourtant, c'est un élément de ce film qui va lui donner, croit-il, l'occasion de faire enfin quelque chose d'utile et d'altruiste. Mais cette occasion ne va faire qu’accélérer sa chute...

"Karoo" est une farce, mais une farce sinistre, désespérée, teintée de cet humour que l'on utilise pour sauver la face, alors qu'on sait pertinemment que tout va mal.
C'est l'épopée tragicomique d'un homme qui semble pris d'une abyssale terreur de vivre. Pas de vivre au sens commun du terme, mais au sens d'exister. Saul est incapable d'être en accord, en paix avec lui-même, car il ne sait pas qui il est. A force de jouer un personnage, il l'est devenu. Il n'est quasiment plus qu'une sorte d'enveloppe vide, qui dissimule son vague malaise intérieur derrière des masques conformes à ce que les autres voient en lui. Son incapacité à supporter l'intimité avec autrui s'étend aussi à lui-même.
Il a beau être conscient de certains de ses défauts, il met en place des barrières de mauvaise foi et de bonne conscience pour se dédouaner, évitant ainsi de devoir y remédier.

Ce mélange de lucidité et de complaisance est bien à l'image de la société dans laquelle il évolue, où l'individu ne sait plus que se donner en représentation. Il perd de vue l'essentiel (la spontanéité, la sincérité), et finit par se perdre lui-même.
C'est, bien sûr, glaçant, mais "Karoo" est aussi un roman réjouissant, grâce à l'écriture enlevée, percutante, de Steve Kesich, et à l'humour qu'il y distille, même si c'est un humour... noir !


BOOK'ING
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
 
 
Powered by phpBB v2 © 2001, 2005 phpBB Group ¦ Theme : Creamy White ¦ Traduction : phpBB-fr.com (modifiée) ¦ Logo : Estelle Favre