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Les notes de lectures recherchées

7 livres correspondent à cette oeuvre.

Il y a actuellement 5 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).

Notation moyenne de ce livre : (4 livres correspondant à cette oeuvre ont été notés)

Mots-clés associés à cette oeuvre : amour, couple, dependance, ecologie politique, existentialisme, itineraire intellectuel, modestie, partage, sartre, technomedecine, vieillesse

Auteur    Message
apo



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 23 Aoû 2007
Messages: 1901
Localisation: Ile-de-France

Posté: Ven 26 Avr 2019 10:09
MessageSujet du message:
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Cette plaquette est le testament spirituel d'André Gorz adressé à sa femme Dorine la veille de leur suicide « main dans la main », commis lors du stade terminal d'une maladie inguérissable de Dorine dans sa quatre-vingt deuxième année, afin de ne pas survivre à son décès. Ce texte a été analysé par Patrick Viveret, dans l'ouvrage : André Gorz, un penseur pour le XXIe siècle, que je viens de terminer, comme un message d'envergure beaucoup plus vaste, nous invitant à repenser aux « enjeux émotionnels de la transformation sociale ». Il est évident que, dans l'engagement politique d'une pensée militante telle que celle du philosophe d'origine juive autrichienne, l'émotivité d'une relation conjugale – de la sienne, qui plus est – ne semble pas avoir beaucoup de place. Les émotions, en général, y sont moins traitées que, par exemple, dans l'oeuvre de Raoul Vaneigem. Par conséquent, cette œuvre ultime vient opportunément compenser cette absence, et donnant une importance tout à fait prioritaire à la fois à la circonstance autobiographique – son histoire d'amour – et à la place de l'émotivité dans sa pensée. Mais il y a là davantage. Le premier ouvrage publié par Gorz est Le Traître (1958). C'est un livre autobiographique, qui se veut une auto-analyse du processus réflexif de l'auteur, saisi « en cours » : l'on sait que, grâce aussi à une Préface extrêmement élogieuse par Sartre, il eut une grande fortune et l'auteur lui dut sa consécration dans l'aréopage des intellectuels français et sa profession de journaliste et auteur. Or, malgré la dédicace privée et manuscrite à sa femme, dans le texte publié, le personnage féminin nommée Kay occupe une place dérisoire et, pis, elle est « défigurée, humilié » ; les bribes autobiographiques sur la relation de couple et le mariage apparaissent délibérément manipulées jusqu'à la pure falsification. L'auteur y note : « N'est-il pas évident que je parlais de Kay comme d'une faiblesse et sur un ton d'excuse, comme s'il fallait s'excuser de vivre ? » (cit. p. 52) et, l'on peut dire, à un premier niveau, que ce testament spirituel constitue entièrement une autocritique qui peut se résumer à cet aveu : « Je ne m'aimais pas de t'aimer » (p. 58). Peut-être cette circonstance suffit-elle à elle seule à expliquer le titre...
Les biographies de penseurs et d'hommes de lettres sont pleines d'histoires d'épouses qui semblent n'avoir eu de vocation que de faciliter l'éclosion de celle de leur conjoint : c'est certainement le cas de Dorine, épouse de Gerhard, collaboratrice précieuse dans tous les aspects de sa vie professionnelle, dans ses relations sociales et dans sa création intellectuelle.
Mais si nous dépassons les aspects biographiques et même la probable raison de minoration de l'émotionnel dans l'auto-perception du devoir-être d'un philosophe, et surtout d'un philosophe politique, il reste encore un aspect encore plus fondamental. Dans le fond de la pensée gorzienne, une pensée de critique du travail, du capitalisme, de l'hétéronomie, et promotrice de l'autonomie, de la réalisation de soi, de la sphère privée comme antidote de l'aliénation du social, il est évident que la conjugalité elle-même acquiert une importance prioritaire. Dès lors, était-ce de la pudeur que d'occulter dans ses écrits cette expérience personnelle, voire de la défigurer ; était-ce le signe de relations compliquées avec soi-même, surtout avec sa propre réalité (cf. cit.), que d'exposer dans ses écrits même autobiographiques cette part de son véritable vécu – une problématique qui s'estompe au moment du trépas – ; ou bien l'auteur éprouvait-il une certaine crainte que, si l'on rétorquait la nature exceptionnelle et non généralisable de sa propre expérience amoureuse, son système intellectuel tout entier en serait affaibli ?


Cit. :

« […] tu m'avais fourni la possibilité de m'évader de moi-même et de m'installer dans un ailleurs dont tu étais la messagère. Avec toi je pouvais mettre ma réalité en vacances. » (p. 24)
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[Lettre à D. Histoire d'un amour | André Gorz]
Auteur    Message
andras



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 20 Sep 2005
Messages: 1800
Localisation: Ste Foy les Lyon (69) -- France

Posté: Dim 23 Déc 2007 14:45
MessageSujet du message: [Lettre à D. Histoire d'un amour | André Gorz]
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Etonnant ce dernier livre d'André Gorz, intellectuel sartrien, journaliste à l'Express de JJSS puis fondateur avec Jean Daniel et quelques autres du Nouvel Obs, ami d'Ivan Illich et un des penseurs de l'écologie politique en France. Quelques semaines avant de se donner la mort avec la compagne de sa vie, Dorine, celle à qui cette Lettre à D. est adressée, il éprouve le remords d'avoir parlé d'elle en des termes injustes dans un des livres qui lui ont valu une certaine renommée "Le traître". Dans ce livre, Gorz justifie le fait que l'engagement d'un intellectuel dans le "sens de l'histoire" (comme on disait alors dans les années 50) peut l'amener à se trahir soi-même (selon la thèse, alors en vogue à St Germain des Près, que "le collectif est tout" et "l'individuel est petit-bourgeois donc haïssable"). En l'occurrence, c'est plutôt sa femme que G. aurait trahi dans ce livre (trop bien nommé, hélàs !), en rabaissant leur amour, en en faisant quelque chose de frivole et de contingent alors que, comme ce livre tente de nous le montrer cet amour était pour lui absolument necessaire.

Cette lettre retrace donc le rôle capital, indispensable qu'a joué D. dans la vie de G., jusqu'au moment où une maladie incurable va atteindre D. et la faire souffrir durant des années. Même cette maladie aura une incidence importante sur l'intinéraire intellectuel de G. puisqu'elle sera une des sources de son engagement contre le productivisme, et aussi l'hypertrophie technologique et notamment médicale, décrite par Ivan Illich dans son livre "Nemesis Médicale".

Ce livre est aussi un livre sur l'impuissance à mener toutes les choses qu'on aimerait faire de son vivant, sur la sagesse qu'il y a à se contenter du peu que l'on peut faire ici (cet "ici" qui n'est pas si "bas" que ça).
C'est un livre de modestie qui tente de renouer avec l'essentiel, et cet amour était pour lui l'essentiel puisqu'il lui garantissait aussi sa liberté d'écrire. Sans que la morale soit écrite, on ressent dans ce texte un desaveu des thèses sartriennes dont s'inspirait ses premiers écrits (dont "Le traître") : une thèse aussi séduisante soit-elle qui amènerait à trahir l'amour de sa vie n'est sûrement pas si bonne que cela et elle mérite sûrement d'être reconsidérée.
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[Lettre à D. Histoire d'un amour | André Gorz]
Auteur    Message
Swann



Sexe: Sexe: Féminin
Inscrit le: 19 Juin 2006
Messages: 2600

Posté: Mer 17 Oct 2007 16:17
MessageSujet du message: [Lettre à D. Histoire d'un amour | André Gorz]
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Je n'attendais pas beaucoup de ce livre, dont j'avais entendu de mauvaises critiques. En réalité, il m'a surprise : ni pathos insupportable (malgré l'avertissement du dénouement), ni égocentrisme de l'intellectuel, ni élucubrations philosophiques trop fines pour de gros nez...
Le sujet du livre, c'est bien D. (Dorine, pourtant nommée dans le récit) ; quand André Gorz fait mine de s'éloigner de son sujet, en parlant de ses travaux, de l'évolution de sa carrière, d'un livre, c'est toujours parce que cela part de sa compagne ou que cela y revient. Chaque étape collabore à la contruction de 'l'histoire d'un amour" comme l'amour a collaboré à l'oeuvre et au parcours de Gorz. En réalité, l'auteur finit par nous faire penser qu'il aurait été incapable de faire cela sans sa compagne, que la construction de sa vie, alors même que parfois son oeuvre a semblé s'écrire en marge de sa vie privée, en était tissée en profondeur.
Il fait également son mea culpa de l'avoir présentée dans certains de ses livres, comme Le Traître, de manière mensongère. Pour avoir entendu Dorine, la voix brisée, sur France Culture, parler du mal que lui avaient fait certains écrits ou l'attitude parfois distante de son mari, j'ai compris que cette mise au point était également le règlement d'une dette.
Peut-être, pour faire dans l'extrapolation dangereuse, et peut-être, de mauvais goût, D. est-elle le récit d'une D-pendance telle qu'une vie solitaire ne peut plus être envisageable.
Et, en passant, Gorz griffe violemment la technomédecine qui a fait de la vie de sa femme un long martyre (danger du lipiodol) et le danger de la méga-machine à broyer qu'est le dogme de la croissance.
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[Lettre à D. Histoire d'un amour | André Gorz]
Auteur    Message
Mariecesttout



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Messages: 149

Posté: Mer 26 Sep 2007 3:02
MessageSujet du message: [Lettre à D. Histoire d'un amour | André Gorz]
Commentaires : 5 >>

En 2006, André Gortz écrivait à sa femme:

Tu vas avoir quatre-vingt deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t'aime plus que jamais. Je porte de nouveau au creux de ma poitrine un vide dévorant que seule comble la chaleur de ton corps contre le mien....

...La nuit je vois parfois la silhouette d'un homme qui, sur une route vide et dans un paysage désert, marche derrière un corbillard. Je suis cet homme. C'est toi que le corbillard emporte. Je ne veux pas assister à ta crémation; je ne veux pas recevoir un bocal avec tes cendres. J'entends la voix de Kathleen Ferrier qui chante " Die Welt ist leer, Ich will nicht leben mehr" et je me réveille. Je guette ton souffle , ma main t'effleure. Nous aimerions chacun ne pas avoir à survivre à la mort de l'autre. Nous nous sommes souvent dit que si, par impossible, nous avions une seconde vie, nous voudrions la passer ensemble.

Quelle belle déclaration d'amour.

André et Dorine Gorz se sont suicidés le 24 septembre 2007.
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[Lettre à D. Histoire d'un amour | André Gorz, André Gorz]
Auteur    Message
Nadjalou



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Inscrit le: 15 Déc 2006
Messages: 77
Localisation: Strasbourg

Posté: Jeu 28 Déc 2006 14:39
MessageSujet du message: [Lettre à D. Histoire d'un amour | André Gorz, André Gorz]
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Allez, enfin un livre que je n'ai pas aimé. Grande déception, car il y avait un bel article dans "Le monde des livres". Oui, la première phrase est belle : "Tu vas avoir quatre-vingt deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarente-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t'aime plus que jamais. Je porte de nouveau au creux de ma poitrine un vide dévorant que seule comble la chaleur de ton corps contre le mien" (elle est reprise en 4e de couv). Mais j'ai été irritée par tout le reste du récit. André Gorz m'a semblé piégé dans le social, les cercles mondains parisiens... Il ya dans ce livre comme une fausse modestie. D., la compagne de cinquante ans, me semble presque... un faire-valoir. Voilà mon retour, a-contrario des critiques littéraires.
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