Logo Agora

 AccueilAccueil   Votre bibliothèqueVotre bibliothèque   Ajouter un livreAjouter un livre   FAQFAQ   RechercherRechercher   ForumsForums 
 MembresMembres   GroupesGroupes   ProfilProfil   Messages privésMessages privés   ConnexionConnexion 
Les notes de lectures recherchées

2 livres correspondent à cette oeuvre.

Il y a actuellement 1 note de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).

Notation moyenne de ce livre : (2 livres correspondant à cette oeuvre ont été notés)

Mots-clés associés à cette oeuvre : 2019, aspect culturel, aspect juridique, condition feminine, france, libertalia, viol

Auteur    Message
apo



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 23 Aoû 2007
Messages: 2061
Localisation: Ile-de-France

Posté: Jeu 18 Déc 2025 12:15
MessageSujet du message:
Commentaires : 0 >>

Avant d'écouter la suggestion d'une amie, j'ai longtemps considéré avec circonspection cet essai, à cause du titre qui me semblait tour à tour polémique (pour l'usage du mot « culture ») et voulant ériger le cas français en exception en matière de viol (ce qui me paraissait inopportun ou nombriliste). Or en 2019 en pleine déferlante #metoo et #balancetonporc, l'intention de sa parution s'avère être clairement différente : constituer un dossier sur l'état des lieux, le plus rigoureux et étoffé possible, sur l'étendue du crime de viol en France, et poser une thèse aussi scandaleuse que finalement logique : cette étendue est rendue possible par l'écart entre la réalité impensée du phénomène du viol et les stéréotypes qui l'entourent. Par « culture » il faut entendre un système de représentations fallacieuses qui consistent dans des préjugés concernant l'objet criminel ainsi que ses sujets : les violeurs et les violées. Les préjugés sur l'objet en font un acte criminel exceptionnel par sa nature sanglante et barbare, les idées reçues sur les violeurs en font des êtres également exceptionnels par leur altérité maléfique, celles sur les violées tendent à transformer les victimes en coupables, ou au moins en coresponsables. Les viols réels, dans leur banalité opaque et silencieuse, sont donc complètement méconnaissables, impensables même, sous le prisme mythique fabriqué par la « culture du viol ». Ces fausses représentations sont véhiculées par les médias dans leur traitement des affaires, mais aussi par toute une idéologie crée par les œuvres culturelles mineures et majeures (séries télé, cinéma, littérature à partir de l'amour courtois médiéval), par une longue tradition juridique (évolution pénaliste et jurisprudentielle), lesquelles reflètent le regard sexiste porté sur les femmes à travers les temps, et enfin par la persistance de discriminations diverses (racistes, classistes, etc.). Dans ces conditions, l'on peut aisément comprendre qu'il existe des spécificités françaises caractérisant une telle « culture » ; elles sont mises en regard notamment avec celles qui sont étudiées – depuis plus longtemps et profondément – par la recherche universitaire états-unienne, qui est par ailleurs très abondamment mise à contribution à la fois du point de vue théorique et empirique, dans les cas d'actualité traités de façon comparative (cf. l'affaire DSK, et celles d'autres prévenus célèbres et puissants).
La conséquence d'une telle mystification est d'abord et surtout la rareté des plaintes, ensuite la mise en doute de la parole des victimes, qui peuvent elles-mêmes en amont ne pas reconnaître leur vécu comme un cas de viol, ou se sentir partiellement responsables et donc être vaincues par un sentiment de honte. Les institutions chargées de leur défense, en particulier la police et la justice, étant elles-mêmes sujettes aux préjugés, seront rétives à apporter la réponse judiciaire souhaitée et contribueront à la relative mais très sensible impunité des violeurs ; en particulier, elles auront tendance à requalifier le crime en délit d'agression sexuelle et à « correctionnaliser » la procédure voire à le classer sans suite : la défaillance du traitement judiciaire du viol est toujours dénoncée.
En filigrane, cette culture apparaît mue par la misogynie ordinaire : le soupçon de la nature maléfique et intrigante des femmes notamment dans la sphère sexuelle, une conception de la séduction comme un champ de domination dans lequel la notion de consentement est problématique, une hiérarchisation de validité entre les prétendus besoins et pulsions sexuels des hommes et la moindre importance accordée à la volonté des femmes, une instrumentalisation de la peur entretenue chez les jeunes filles afin d'en contrôler et réprimer les comportements. Par conséquent, la partie conclusive de l'essai – intitulée : « Comment lutter contre la culture du viol » - propose deux préconisations qui ne passent pas par la justice, encore moins par l'introduction dans la Loi de la notion de « consentement » : la déconstruction 1. des stéréotypes de genre et 2. de la domination masculine. Il s'agit donc clairement d'un projet politique de grande envergure, dans lequel la lutte féministe passe par un travail proprement culturel à de multiples niveaux. Le premier pas de toute déconstruction étant nécessairement celui de la conscientisation, cet essai y contribue grandement.



Table [avec appel des cit.]

Introduction [cit. 1]

Partie I – Histoire d'un concept – Définitions

1. Les mots pour en parler :

Le patriarcat
Le sexisme
Toutes des filles d'Ève

2. La culture du viol : naissance et diffusion du concept :

Historique
Réémergence du concept
Définition
Les idées reçues sur le viol [cit. 2]

3. Comment se maintient la culture du viol ? :

Le maintien des rôles genrés traditionnels
La pérennité du sexisme
Une violence persistante
Le consentement et la difficulté à le définir [cit. 3]

Parte II – La réalité des violences sexuelles en France

1. Banalité du mal, banalité du viol :

L'enquête Enveff de 2000
L'enquête Contexte de la sexualité en France de 2006
L'enquête Virage de 2015
L'enquête Cadre de vie et sécurité
Les violences sexuelles subies par les personnes homosexuelles et transgenres
Les violences sexuelles, une réalité mal connue [cit. 4]

2. Quels recours ? :

Le viol sous l'Ancien Régime
Le premier code pénal français
Le viol entre le code pénal de 1810 et le tournant du procès d'Aix de 1978
Les débuts d'une réflexion féministe autour du viol
Le procès d'Aix-en-Provence de 1978 : un tournant
La loi de 1980

3. Pourquoi si peu de plaintes ? :

Police, justice et préjugés
Productions culturelles, reproduction de mythes
Un traitement médiatique parfois biaisé [cit. 5]
Des idées reçues, des conséquences pour les victimes
Des idées reçues, une chance pour les violeurs

Partie III - « Cela ne me concerne pas »

1. Le violeur, c'est l'autre :

Le viol, un crime de rôdeur ?
Ils viendront jusque dans nos bras violer nos filles et nos compagnes
Des agressions sexuelles du Nouvel An à Tariq Ramadan : une instrumentalisation raciste ?
Aux États-Unis, la construction raciste des violeurs
Les violences sexuelles, réservées aux hommes de pouvoir ?
Mettre les actes à distance : une stratégie d'altérisation
« Mais il n'a aucun besoin de violer ! »
Les vrais hommes ne violent pas

2. La victime était « presque » parfaite :

Le viol d'homme, un crime impossible
Les prostituées vues comme éternellement consentantes
« Mais si tu ne peux pas violer ta femme, qui peux-tu violer ? »
Trop belle pour ne pas être violée, trop laide pour l'être
Des victimes aux réactions inattendues

3. Le viol, un crime fantasmé :

« Pour un viol, il faut un couteau »
Elle l'a bien cherché !
Elle l'a bien mérité !
L'érotisation du viol
Des enfants très sexualisés
Les hommes viennent de Mars, les femmes certainement pas de Vénus
Le mythe raciste de la « panthère noire » [cit. 6]

Partie IV – Une culture du viol à la française [cit. 7]

1. La séduction comme pan de l'identité nationale française :

Amour courtois, galanterie et libertinage
C'est le plus grand des violeurs... Oui mais c'est un gentleman
La galante France face à la puritaine Amérique [cit. 8]

2. Les violences sexuelles, une tradition française ? :

Baiser ou être baisé ?
La douce asymétrie des rapports sexuels
L'homme propose et l'homme dispose
Pourra-t-on encore séduire ? L'après-#metoo

3. Qui dit mot ment :

Une histoire persistante
La résurgence lors de #balancetonporc et #metoo
Des préjugés également répandus dans la police et la justice
Des préjugés loin de la réalité
Les théories du complot
Le spectre de Vichy

Partie V – Comment lutter contre la culture du viol

1. Déconstruire les stéréotypes de genre :

La France a peur... surtout les femmes
Repenser l'espace public et commun
Travailler sur l'éducation genrée
Le travail dans les médias
Le travail dans les productions culturelles

2. Déconstruire la domination masculine :

Des hommes peu éduqués à résister à la frustration, en particulier sexuelle [cit. 9]
Éduquer les hommes à ne pas violer
L'implication des pouvoirs publics

Conclusion



Cit. :


1. « Culture du viol pour expliquer qu'il existe, dans la plupart des sociétés, des idées reçues, des préjugés au sujet du viol, des violeurs et des violées. Préjugés qui conduisent inexorablement à entretenir une atmosphère où les coupables se sentent victimes et les victimes coupables. Préjugés qui ne permettent pas de lutter efficacement contre les violences sexuelles. Préjugés qui contribuent à une atmosphère dans laquelle les viols ne peuvent baisser.
C'est pourquoi je parlerai de "culture du viol à la française", terme qui choquera davantage parce que beaucoup n'accepteront pas qu'il y ait une spécificité française à nier les violences sexuelles en invoquant qui le "troussage de domestique", qui "la liberté d'importuner", qui la grivoiserie si typiquement française, qui le pays qui a inventé l'amour. » (p. 11)

2. « Différentes raisons, évidemment inconscientes, expliquent les idées reçues sur le viol. Cela protège la société, et en particulier les hommes, de minimiser l'importance des crimes sexuels. Elles servent également la théorie du "monde juste" dans lequel les mauvaises choses arrivent aux mauvaises personnes et les bonnes aux bonnes personnes. Dire que seule une femme qui "se conduit mal" peut être violée va renforcer l'idée qu'il ne peut rien arriver à celles qui "se conduisent bien". C'est une théorie due à la propre vulnérabilité de celui ou celle qui l'applique ; si le viol arrive à une bonne personne, comme j'en suis une également, alors cela peut m'arriver. Les mythes servent donc à dire que les personnes violées ont mérité ce qui leur arrive. Enfin, les idées reçues sur le viol servent à contrôler par la peur toutes les femmes. En leur inculquant que les femmes qui "se conduisent mal" (ce qui veut tout et rien dire mais passe par un contrôle des vêtements, des heures de sortie, des personnes fréquentées, de l'attitude, etc.) risquent le viol, on bride la liberté de toutes les femmes, qui, pensant ainsi éviter d'être violées, vont limiter leur marge d'action. » (p. 45)

3. « Fonder le viol sur l'idée que c'est un rapport sexuel dans lequel un des deux partenaires n'a pas consenti implique davantage l'idée de se questionner sur le comportement de la victime que sur celui du violeur. Quels signes a-t-elle donnés de son non-consentement ? Étaient-ils assez explicites ? C'est donc sans aucun doute un piège de réfléchir sur le viol en ces termes-là. Le viol est un rapport de force sexué où l'un ne tient pas compte de la volonté de l'autre ; c'est donc bien le violeur dont il faut questionner les actes et pas la victime. Comment s'est-il assuré qu'elle était consentante ? Comment l'a-t-il conclu ?
Comment envisager un consentement dans un rapport hiérarchique ou avec un risque d'avoir des conséquences graves pour sa carrière si on ne cède pas ? C'est exactement ce qui s'est produit dans certains cas de l'affaire Harvey Weinstein. » (p. 62)

4. « […] dans l'enquête Le Goaziou [2013], plus de 90% des personnes jugées sont issus des milieux populaires. Les crimes sexuels commis dans les classes sociales plus élevées échappent quasi complètement à la justice. Véronique Le Goaziou émet différentes hypothèses à ce sujet. Il est possible que les classes les plus favorisées règlent davantage les choses entre elles, y compris pour des affaires de violences sexuelles. On constate également qu'une partie des violences sexuelles est signalée à la police ou à la gendarmerie par les services sociaux. […] Or ces services voient rarement les familles les plus aisées. […] Enfin les agresseurs des classes les plus aisées ont les ressources pour se défendre ; ils utilisent leur avocat, font auditionner des membres de leur famille, contredisent chaque point du dossier, chose que font bien moins les accusés des classes populaires.
65% des Français sous-estiment le nombre de viols en France [Ipsos, 2015]. Les violences sexuelles sont donc un phénomène extrêmement courant mais dont la fréquence est mal perçue par une majorité de Français, et empreintes d'idées reçues [...] » (p. 87)

5. « Être exposés aux mythes sur le viol renforce les visions stéréotypées que nous avons à ce sujet. Cela nous rend également enclins à ne pas voir comme des viols ceux qui ne correspondent pas à ces stéréotypes. Une victime qui y serait exposée aurait davantage tendance à nier ce qu'elle a vécu et à hésiter à porter plainte. Enfin être exposés aux mythes sur le viol peut pousser les hommes à nier ou minimiser leurs comportements sexuels violents. La presse et les médias en général ont donc une responsabilité dans la manière de traiter des affaires de violences sexuelles. Leur façon d'en parler pourra pousser leurs lecteurs à davantage adhérer aux mythes sur le viol et à être plus tolérants envers les crimes sexuels, voire à décourager les victimes de porter plainte. La presse consacre beaucoup plus de place aux viols rares, comme ceux des joggeuses par des inconnus, qu'aux viols commis par des connaissances de la victime ou aux incestes. Ainsi que le signale le sociologue Laurent Mucchielli : "Le traitement médiatique du viol ne pourra pas être satisfaisant tant que l'on valorisera les informations les plus spectaculaires et les plus inhabituelles, qui ne sont pas les plus représentatives." » (pp. 124-125)

6. « Trois idées reçues se dégagent de ce chapitre.
La première est de toujours mettre à distance les vileurs, de nous ou des hommes qui nous sont proches. Nous y arrivons soit en désignant l'Autre (le pauvre, l'Arabe, le Noir, le fou, le malade), soit en faisant de celui qui nous ressemble et qui a violé une personne qui, "en temps normal", n'a rien à voir avec les actes qu'elle a commis.
La deuxième est de rendre les victimes responsables, totalement ou partiellement, de ce qu'elles ont subi. Mariées, travailleuses du sexe, belles, laides, jeunes, vieilles, vierges, actives sexuellement, le moindre élément de leur vie devient un élément à charge.
La dernière est d'avoir une vision stéréotypée des violences sexuelles et donc, souvent, de ne pas voir les violences sexuelles pour ce qu'elles sont.
Bien évidemment, ces idées reçues sont partagées […] par beaucoup de Français. Elles participent de façon claire à la culture du viol et entretiennent un climat d'impunité pour les coupables et de culpabilité pour les victimes. La culture du viol ne s'exprime pas uniquement dans des œuvres dites populaires, on la retrouve dans tous les arts, de ceux considérés comme mineurs aux plus majeurs. » (p. 198)

7. « La langue française en dit long sur la représentation que nous nous faisons des relations sexuelles. D'un côté, elle permet de masquer les violences sexuelles sous couvert de liberté et de sophistication, de l'autre, elle témoigne de fortes inégalités et surtout d'une réelle violence lorsqu'il s'agit d'évoquer une sexualité même consentie. Ainsi, nous utilisons le vocabulaire en lien avec la sexualité pour exprimer la violence, l'insulte ou le dénigrement. Et si nous voulons parler de séduction ou de sexualité, in n'est pas rare que nous fassions pour cela appel aux champs lexicaux de la guerre ou de la chasse.
[…] De fait, par des jeux complexes et codifiés, notre culture en matière de séduction entretient savamment la confusion autour du consentement, donc entre ce qui relève de la sexualité ou des violences sexuelles. […] Seul, le terme de consentement peut désigner aussi bien la volonté que l'acceptation ou la reddition. On le précise volontiers, en parlant de libre consentement, de consentement éclairé ou encore de consentement mutuel, ce qui implique qu'il pourrait donc n'être rien de tout cela. Céder n'est pas consentir, mais il est des cas où consentir peut être céder. » (pp. 200-201)

8. « Il est révélateur que les Français n'invoquent le puritanisme américain que lorsqu'il y a judiciarisation aux États-Unis des violences sexuelles et jamais lorsque des lois anti-IVG, homophobes ou transphobes sont votées. Si le puritanisme américain est convoqué, c'est surtout pour expliquer combien nous sommes, nous Français, des êtres civilisés, amoureux de l'amour et de ses jeux, et que c'est bien ainsi qu'il faut comprendre le comportement de DSK. […] À la suite de l'affaire Weinstein, les féministes françaises en furent accusées [de puritanisme], notamment dans une tribune du Monde du 9 janvier 2018, intitulée "Nous défendons une liberté d'importuner, indispensable à la liberté sexuelle".
[…] Là encore, ces critiques ne surgissent pas face aux énièmes reculs des deux derniers gouvernements sur la PMA pour les homosexuelles ou face aux vagues réactionnaires défilant contre le mariage pour tous, mais lorsque des femmes affirment que leur consentement en matière sexuelle doit être écouté. Les mouvements #metoo et #balancetonporc ne signifient rien d'autre que cela ; que les consentements masculins et féminins valent autant l'un que l'autre. » (p. 214)

9. « Nous élevons souvent les garçons dans l'idée qu'ils ont des besoins sexuels à assouvir à tout prix, peu importe que nous le justifiions par la "nature" ou la "culture". Nous sommes collectivement persuadés que les hommes ont besoin de sexe, bien plus que les femmes, et qu'ils sont incapables de résister à la frustration, sinon ils violeront des femmes ou des enfants. C'est en particulier ainsi que certains expliquent la pédocriminalité de certains prêtres, parce qu'ils seraient soumis à l'obligation de chasteté. C'est ce que nous dit en filigrane _L'Odyssée_ : Ulysse se fait attacher solidement au mât du bateau et ses compagnons se bouchent les oreilles à la cire pour rester sourds à l'appel des sirènes. Une histoire inversée où des femmes seraient incapables de résister à des hommes est inimaginable et appuie l'idée du désir masculin irrépressible. » (p. 267)
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
 
 
Powered by phpBB v2 © 2001, 2005 phpBB Group ¦ Theme : Creamy White ¦ Traduction : phpBB-fr.com (modifiée) ¦ Logo : Estelle Favre