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[La Littérature nazie en Amérique | Roberto Bolaño]
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ingannmic



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Messages: 737
Localisation: Mérignac


Posté: Mar 18 Aoû 2015 13:25
MessageSujet du message: [La Littérature nazie en Amérique | Roberto Bolaño]
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J'ai mis un certain temps à comprendre où voulait en venir Roberto Bolaño...
"La littérature nazie en Amérique" se présente comme une anthologie d'auteurs nés entre la fin du XIX e siècle et les années 50/60, hommes et femmes issus de milieux sociaux divers, que l'écrivain a regroupé en catégories aux titres parfois poétiques ("Les héros mobiles ou la fragilité des miroirs", "Mages, mercenaires, misérables"...).
En lisant les premières biographies, plus ou moins brèves, l'une occultant la précédente et la reléguant dans un oubli quasi instantané, je me suis dit que je me trouvais là face à un exercice de style qui allait vite devenir barbant. Enfin, je ne me le suis pas dit trop fort tout de même, parce que... Bolaño, quoi ! Il y avait forcément quelque chose à comprendre derrière cette suite de portraits, d'autant plus que le deuxième sentiment que leur découverte a assez rapidement suscité, est celui d'un malaise sourd mais néanmoins bien présent, qui m'a fourni l'une des clés permettant de comprendre -du moins je crois- le but de l'auteur.

Dire que l'anthologie imaginaire de Roberto Bolaño traite de la "littérature nazie" pourrait paraître erroné, dans la mesure où les œuvres de certains des auteurs qui y sont présentés, d'après les informations qui nous communiquées, abordent des thèmes sans relation aucune avec leurs tendances politiques. Par ailleurs, les idéaux fascistes, la sympathie éprouvée par d'autres pour un Hitler ou un Mussolini, ne sont souvent évoqués que de manière anecdotique, comme des caractéristiques pittoresques et un peu ridicules de la personnalité des auteurs.

Les biographies de "La littérature nazie en Amérique" se présentent comme de froids recensements composés d'éléments factuels sur la vie et l'oeuvre des auteurs, ne comportent ni jugement ni condamnation sur leurs accointances politiques. Et même quand certains d'entre eux sont passés des idéaux aux actes, en participant par exemple aux escadrons de la mort argentins ou en s’engageant dans l'armée franquiste, c'est présenté, à l'instar de ensemble, de manière neutre.

Le lecteur pourrait s'y laisser prendre : voilà donc ces fameux auteurs nazis ? Exception faite de ceux qui, comme évoqué précédemment, ont "fait" le mal, et ne sont pas contenté de le penser ou de l'écrire, ils ne semblent ni dangereux ni vraiment mauvais. Des individus comme les autres et a fortiori comme nous, auxquels nous pourrions éventuellement reprocher nos divergences d'opinions... D'ailleurs, certains d'entre eux ont été très proches de personnalités d'extrême gauche... et voyez cet écrivain qui fit partie du Ku Klux Klan, il avait aussi des amis noirs...

Et c'est bien là le génie de la démonstration de Roberto Bolaño, qui, mine de rien, fait ainsi passer son message : en faisant de presque tous ces auteurs des individus ordinaires, il signifie que la barbarie est une possibilité enfouie en chaque homme (ou femme), et rappelle surtout qu'on ne doit transiger avec aucune forme de nazisme, de fascisme, quelles qu'en soient les manifestations, évidentes ou allusives, actes ou pensées. Démonstration, mais aussi critique féroce d'une société incapable de s'émouvoir, de se révolter face aux dites manifestations. Ce qui nous amène à une autre problématique, également soulevée ici : faut-il dissocier l'écrivain de son oeuvre, ou bien doit-on, au nom des idéaux qu'il défend, le condamner à la censure, ou tout au moins à l'opprobre ?

Le choix de Bolaño semble se porter sur la deuxième proposition. Existe-t-il une juste réponse à cette question ? "La littérature nazie en Amérique" a en tous cas le mérite de nous engager dans une réflexion non seulement sur ce point, mais aussi sur la vigilance qui est de la responsabilité de chacun d'entre nous, quant à la propagation des idéologies fascisantes.

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Auteur    Message
apo



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Posté: Mar 18 Aoû 2015 14:40
MessageSujet du message:
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Mais il s'agit de biographies imaginaires, ou non ?
Si oui, il me semble ardu de réfléchir à la question de la dissociation de l'auteur et de son oeuvre. Pour l'autre question aussi, des écrivains fictifs n'éveillent pas particulièrement ma veille éthique ! Du Bolaño, quoi !
(Tu sais bien que tu ne m'as pas converti) Twisted Evil
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le_regent



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Posté: Mar 18 Aoû 2015 17:18
MessageSujet du message:
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Bonjour Ingannmic, bonjour Apo
Sur ce thème des gens ordinaires adhérant à des doctrines ou participant à des actes de haine à l'encontre de certains de nos congénères, ce qui m'a le plus marqué en matière littéraire est le bien connu « La mort est mon métier », de Robert Merle (malgré des interprétations de type psychanalytique un peu grossières à mon goût). En matière de films, c'est « Lacombe Lucien », de Louis Malle, que je citerais. J'ai aussi acheté plusieurs ouvrages de mémoires écrits par des collaborateurs belges ou français, mais je n'ai pas encore pris le temps de les lire.
Ce sur quoi je m'interroge, en ce moment, c'est sur le fait qu'à la suite de la victoire militaire de 1945, des milliers de nazis et de collaborateurs soient redevenus sans problème des citoyens ordinaires, conservant peut-être certaines de leurs convictions (puisqu'on voit par exemple se manifester à nouveau aujourd'hui des sentiments de rejet de la démocratie) mais avec discrétion. Et je me souviens d'une période où un candidat d'extrême-droite comme maître Tixier-Vignancourt n'atteignait peut-être pas 2% des voix exprimées.
Or nous voyons se développer depuis quelque temps des groupes ultra-violents comme Boko haram ou Daesh. Qu'il soit inévitable de les contenir militairement est une chose. Mais ne faut-il pas identifier les conditions qui, comme en 1945 en Europe, ne leur laisseraient pas d'autres perspective que de se faire désormais oublier ? Car la possibilité de barbarie enfouie en chaque humain ne trouve pas toujours et partout des conditions propices à sa manifestation.
Cordialement
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Auteur    Message
apo



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Posté: Mar 18 Aoû 2015 18:12
MessageSujet du message:
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Bonjour Le Régent,
sur la question des gens ordinaires (ou des auteurs, nuance) qui peuvent embrasser (ou avoir embrassé) des idéologies meurtrières, je ne connais pas les références que tu donnes. Mais depuis plusieurs mois est inscrit dans ma P-à-l l'ouvrage Aurais-je été résistant ou bourreau? de Pierre Bayard, que j'avais eu l'occasion de beaucoup apprécier.
En ce qui concerne ton deuxième questionnement, et sachant que la dénazification et défascistisation de l'Allemagne occidentale, de l'Italie et du Japon, même seulement celle de l'appareil étatique et de ce qui restait du système industriel de ces pays, ne fut guère plus qu'une mascarade de propagande, contrairement à ce qui se produisit dans les pays sous influence soviétique, le problème demeure naturellement du for intérieur des personnes intéressées. Je suppose que certaines conservèrent leurs convictions discrètement, que d'autres pensèrent que le monde avait simplement changé et qu'il convenait de s'y adapter, ou toute la gamme d'opinions intermédiaires. Cela n'est sans doute pas très différent de ce que l'on peut savoir actuellement des opinions politiques des anciens cadres communistes russes ou est-allemands, par ex.
Enfin, en ce qui concerne les groupes ultra-violents actuels, je connais mal Boko haram ; par contre je suis en mesure d'affirmer avec certitude que la stratégie de l'Alliance Atlantique vis-à-vis de Daech est exactement inverse de celle des Etats-Unis vis-à-vis de l'Europe en 1945, à savoir qu'il relève de ses intérêts que le conflit perdure, avec ou sans création du fameux Corridor kurde... Par conséquent aucun des belligérants ne veut rien faire oublier, bien au contraire (cf. la toute récente application sur smartphone du blog de Daech, avec mises à jour en temps réel).
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