Voilà le livre qui va nous faire regretter la Françafrique. Tidiane N'Diaye analyse les enjeux de la percée tant économique que politique de la Chine en Afrique. Il en dresse un constat glaçant et accablant.
Sans vergogne aucune la Chine se présente comme l'amie de l'Afrique au rebours de ces horribles occidentaux néo-colonialistes responsables de l'exploitation de ses peuples et de ses richesses économiques. C'est vite oublier nous dit Tidiane N'Diaye que l'Empire du milieu, bien avant les arabo-musulmans et les occidentaux,se livra au commerce des esclaves. A l'époque de notre Moyen-âge, sous la dynastie Song,des milliers d'esclaves noirs étaient razziès sur la côte Est de l'Afrique.
L'intérêt de la Chine pour l'Afrique fait partie du grand dessein que ce pays poursuit depuis la révolution du marché des années 90. Etre le premier partout, dans tous les domaines et assurer son approvisionnement en matières premières sans lesquelles sa croissance péricliterai. Alors que les occidentaux, les organismes internationaux comme le FMI ou la Banque mondiale conditionnent leurs prêts à une bonne gouvernance, à l'établissement de la démocratie (au minima...), à la lutte contre la corruption, l'Empire du milieu ne s'embarasse pas de ce genre de détails , bien au contraire ; un régime fort, une oligarchie corrompue sera l'assurance que l'ordre règne et que les dessous de table sauront aplanir toutes difficultés sociales ou écologiques.
La chine, sous couvert de l'amitié indéfectible des peuples chinois et africains, avance ses pions. Elle prête, construit, commerce, pille. Les bouleversements induits par l'arrivée des capitaux chinois en Afrique ne profitent qu'à la minorité introduite dans les sphères du pouvoir et de la corruption. Les gigantesques travaux ferroviaires, routiers,miniers, ne profitent que rarement à l'économie locale. Les entreprises chinoises débarquent avec leurs ingénieurs et ouvriers qui vivent en vase clos.
Mais l'impact prédateur de la Chine sur l'Afrique ne se réduit pas à l'appropriation des richesses minières et agricoles.
L'auteur constate que le commerce local si important en Afrique est petit à petit monopolisé par les émigrants chinois. Sénégalais Tidiane N'Diaye a pu constater sur les marchés de Dakar que les produits chinois importés (vaisselle,textile,alimentation...,concurrençaient les produits locaux plus chers . Et si au moins les produits chinois étaient de meilleure qualité ! On sait ce qu'il en est en France de la qualité "made in China" ; alors en Afrique....L'auteur cite l'exemple de médicaments "made in china" écoulés à bas prix en Afrique qui ont coûté la vie a des centaines de personnes.
C'est la Chine entière qui a jeté son dévolu sur le continent africain. Même les prostituées locales sont maintenant soumises à la concurrence chinoise ! on peut alors s'imaginer le ressentiment des populations déjà soumises à des traitements de choc des organismes internationaux et confrontées aux problèmes de survie quotidiens. La présence de plus en plus importante de la diaspora chinoise a fait naître dans plusieurs pays d'Afrique des mouvements violemment protectionnistes et anti-chinois. L'auteur étant noir et sénégalais il ne pourra pas être accusé d'apporter sa contribution au discours ambiant franco-français qui se focalise actuellement sur "Qui sont les nouveaux réacs ?". Sûr qu'à l'aune de notre pays N'Diaye (il est en fait franco-sénégalais) subirait les foudres des élites . Il ne tergiverse pas et ne considère que les faits : non contente de piller l'Afrique la Chine se comporte avec ses habitants d'une manière totalement raciste. Et N'Diaye de citer, références à l'appui, les nombreux cas de discrimination tant en Chine (à l'encontre des étudiants noirs) qu'en Afrique où, par exemple, de nombreux restaurants, clubs, managés par des expatriés chinois ne sont pas ouverts aux locaux.
Enfin dans un domaine qui me tient à coeur, l'emprise de la Chine sur l'Afrique devient totalement néfaste. Pour approvisionner la pharmacopée chinoise la bio-diversité du continent déjà mise à mal par les locaux (pression démographique), est entrain de chuter de façon irréversible. L'auteur cite les statistiques kenyannes : à l'aéroport de Nairobi 90/100 des passeurs de produits animaux où d'animaux vivants arrêtés par les douanes, sont chinois.
Le constat de l'auteur est terrible . Comme ce roi de l'antiquité qui vendit son royaume pour un plat de lentilles, les autocrates (mais pas qu'eux...) de l'Afrique sont en train de vendre leur continent pour des infrastructures mal construites et qui ne serviront qu'a piller un peu plus leurs richesses. La corruption aidant, l'Afrique est le terrain idéal de la mondialisation heureuse rêvée par nos éditorialistes matutinaux (suivez mon regard...).
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