Je ne dirai pas qu'il s'agit d'un grand livre. Mais il s'agit d'un livre qui laisse des traces. Par le thème qu'il traite et par l'écriture et les partis pris de l'auteur. Un monde dévasté et couvert de cendres après un cataclysme planétaire, d'origine humaine vraisemblablement, mais rien de clair n'est dit à ce sujet.
Parmi les rescapés qui errent à la recherche de nourriture et d'espoir, un homme dont on ne connaîtra jamais l'identité et son fils. Comme les SDF de notre société actuelle, ils errent sur la route, font des bivouacs autour de feux bien maigres et remplissent un caddie (quel symbole !) avec tout ce qu'il trouvent sur leur chemin et qui peut leur être utile.
Pendant des jours et des jours, ils suivent la route qui les conduit en direction du sud, jusqu'à la mer qui représente l'espoir. Mais lorsqu'ils atteignent la côte, ils sont confrontés à une mer d'encre et à un ciel gris. Par-ci, par-là une épave contenant des vivres et des outils, mais rien qui ne vienne transformer leur vie qui les conduit à la mort inéluctable. C'est ce que l'on comprend et ce qui arrive à l'homme.
Evidemment on pense à tous les livres décrivant l'après d'un cataclysme ou de l'explosion d'une bombe nucléaire et en particulier à "Malevil" de Robert Merle ou à "Ravage" de Barjavel. On pense aussi à tous les écrivains quit on placé leur héros sur une île déserte ou dans des contrées inconnues et qui redéciouvrent les relations entre l'homme et la nature qui l'entoure.
Mais le livre de Mac Carthy nous émeut particulièrement parce qu'il s'agit de la relation entre un homme et son fils. Entre un homme "d'avant" et un homme "du futur". On ne connaît pas la part prise par le père dans les événements qui sont arrivés, on sait seulement qu'il cherche à protéger son enfant contre les hommes mauvais qu'ils peuvent rencontrer. Mais eux-mêmes confrontés à d'autres pauvres bougres errants sont appelés à jouer les méchants, "struggle for life". Tout au moins le père, qui incarne l'homme avec ce qu'il a de bon mais aussi de mauvais en lui. L'enfant est innocent, il désapprouve les comportements agressifs de son père, mais il ne peut faire autrement que de le laisser agir. Parfois l'innocent amène son père à revenir sur certains actes, mais il est trop tard. On l'aura compris le ton du livre est lourdement pessimiste, seule l'innocence de l'enfant nous laisse entrevoir une petite flamme d'espoir.
Au plan littéraire, si l'on met de côté les pertes inhérentes à toute traduction (et même si celle-ci est remarquable), on observe que Mac Carthy utilise une architecture littéraire assez particulière : des phrases regroupées en paragraphes assez courts qui semblent rythmés par la respiration des personnages, l'intégration de dialogues très brefs entre l'homme et son fils et un style dépouillé sans fioritures parsemé de conjonctions.
Dans les dialogues entre père et fils on retrouve souvent les mêmes mots, qui fonctionnent comme une mécanique : "oui", "non", "d'accord", "j'ai froid", "j'ai faim"... Tout se passe comme s'ils avaient perdu le sens de la parole pour retrouver une sorte de langage primitif servant à exprimer des sensations simples, des désirs basiques.
Bref, comme l'homme et son fils nous errons sur la route dans un monde sans espoir où les seuls besoins des hommes consistent à manger, dormir et à se protéger du froid et des prédateurs.
C'est un retour aux origines, mais sans devenir cette fois-ci. Nous sommes dans la société du caddie vide que nous trimbalons avec nous à la recherche de moyens de survie dans un monde sans âme, éteint, comme une planète morte.
Je me suis refusé de voir le film, qui parait-il est assez réussi, avant de lire le livre. Je préfère laisser libre cours à mon imagination. Ensuite je confronterai ma vision propre à celle du réalisateur.
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