[Votre voisin n'a pas de papiers : Paroles d'étrangers | Cimade]
La dénomination stigmatisante de "sans-papiers" renvoit à un stéréotype connu: celui du migrant clandestin, dont la présence constitue une violation de la législation sur le séjour dans un état, à accueillir-régulariser (approche humaniste) ou à rejeter-expulser (approche légaliste). Or cet ouvrage émet une autre hypothèse: qu'à l'encontre du discours politico-populiste bien connu sur "la France ne pouvant pas accueillir toute la misère du monde" et donc sur "l'immigration zéro" (dès 1974, ne l'oublions pas!) voire sur les expulsions menacées et/ou exécutées, il existerait en réalité derrière les coulisses une volonté de préserver une immigration illégale tolérée, mais à condition qu'elle reste dans la clandestinité. Pourquoi? Pour pourvoir à l'économie une main d'oeuvre corvéable voire en semi-esclavage, bannie des droits élémentaires de l'être humain (je ne parle pas des Droits de l'Homme) comme celle de circuler librement dans les rues, ainsi qu'exclue de toute solidarité sauf celle des associatiations, sous la menace constante de l'expulsion, qui constitue un risque toujours réel, bien que statistiquement somme toute assez faible (de l'ordre de 10% au maximum). L'obtention de droits de séjour, même dans les cas prévus par la loi, comme le sacro-saint droit d'asile, apparaît comme étant tellement entravée par moult obstacles administratifs, par une pratique si efficacement tournée vers le soupçon, le piège, l'arbitraire, la négation, que le prétendant est délibérément poussé à la lassitude, qui se traduit par le renoncement à ses droit ou à ses revendications, pour rester dans la clandestinité, ou éventuellement (mais de façon rarissime) retourner là d'où il vient.
Les formes par lesquelles cette vexation juridico-administratives s'exerce sont multiples; tout autant que les cas où les "papiers" sont refusés sont variés et inimaginables pour les non spécialistes. Ce livre passe en revue une palette de ces cas d'espèce, en présentant pour chacun d'abord un court texte explicatif, ensuite un témoignage relatif, restitué comme une parole rendue à qui de droit, dans le registre de langue même qu'on lui prête. L'authenticité des témoignages, le dépit poignant et pudique de leurs auteurs les rendent émouvants. Le sentiment d'injustice hurlerait, si les explications raisonnables ne reprennaient le dessus.
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