Redemption Falls
traduit de l'anglais ( Irlande) par Carine Chichereau avec brio!
Phébus
Dans la postface de ce roman ,Joseph O'Connor explique beaucoup mieux que je ne le pourrais ce qu'il a voulu faire.
Des extraits, donc.
"Expliquer ce qu'on a voulu faire dans un roman est presque toujours une tentative rétrospective, il faut être honnête...A un certain moment, on écrit le roman qu'on aimerait lire par dessus tout , car les écrivains sont d'abord des lecteurs...
Redemption Falls commence par l'image d'une jeune fille marchant pieds nus dans un paysage dévasté....elle est entrée dans ma vie comme un souvenir.
Eliza Duane Money, pélerine solitaire. Trop jeune pour se lancer dans une distance aussi terrifiante. D'où venait-elle? Pourquoi était-elle partie? Où allait-elle? Quelqu'un l'aimait-il? Je distinguais parfaitement ses pieds blessés, je m'en souviens; le poids de sa matérialité. Elle cherchait quelqu'un. Un frère, me semblait-il....
Je dois avouer que certains romans de guerre me mettent mal à l'aise, en offrant trop souvent la perspective d'un seul personnage. Une histoire a toujours deux facettes, mais un récit de guerre en a bien davantage...Je voulais écrire un livre bruyant, aux facettes multiples, qui parfois se querellerait avec lui-même , voire se contredirait dans ses propres conclusions. Il y aurait de nombreux narrateurs, des perspectives de temps, de ton et de personnages conflictuelles. Cette idée m'est venue qu'un livre sur la guerre devait se lire comme s'il était composé de morceaux raboutés ensemble d'une manière quelconque, à partir de fragments déchirés, épars, venant d'autres livres. Un patchwork. Un album, peut être , compulsé par une personne accrochée à l'espoir que de ce processus puisse naître du sens, que de la compassion émerge de la narration d'une histoire. pour moi, rassembler les choses est un désir humain profond : c'est ce que nous faisons de nos vies avec nos enfants, ceux que nous aimons , c'est ce à quoi nous nous livrons par les longues nuits obscures quand nous en traversons, lorsque le silence fait resortir l'enfant qui est en nous. La guerre est une déchirure , une agression contre le corps , la reconnaissance qu'on ne peut fonder la paix sur une seule histoire.... Ce livre est une tentative pour narrer une histoire avec fidélité au sein d'une structure qui soit également fidèle, mais aussi vivante, et qui engage le lecteur. Le récit unique et linéaire, éternelle tentation pour l'écrivain, sera cette fois éclaté...
...Tant d'histoires, tant de récits et de personnages, mais une seule les relie entre eux. Eliza, malgré son absence , est la reliure qui maintient l'album , grâce à cet amour totalement désintéressé qui donne à notre espèce assez de valeur pour qu'elle se perpétue; à son auteur, elle dit qu'il faut toujours garder espoir, même au coeur des taudis de la morale, même quand tout porte à désespérer. Pourquoi parcourut-elle cette longue route? Et que trouverait-elle au bout? Voilà les question auxquelles je voulais répondre, et si ce roman a de la valeur, ce n'est que dans la mesure où il apporte la grâce inépuisable de la compassion humaine, qui continue d'exister quoiqu'il advienne , en dépit de tous les obstacles. Il y a des tyrans dans ce monde; il y a des bourreaux et des gens qui torturent. Mais il existe aussi des Eliza Mooney. Passer ces quatre dernières années en sa compagnie fut une expérience pleine d'humilité, une bénédiction. Elle va me manquer à présent que commence son nouveau voyage. Il m'a été difficile de lui dire adieu."
Amateurs de grands récits épiques, ne manquez pas ce livre. Et vous verrez que vous aussi, comme moi, aurez du mal à vous séparer de tous ces personnages!
Et surtout, surtout, allez jusqu'à l'extrème fin , jusqu'au dernier mot. Et vous comprendrez que les mots Redemption Falls , qui désignent le lieu imaginaire où se déroule une partie de cette histoire , n'ont pas été choisis au hasard...
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