[Choc des civilisations pour un ascenseur Piazza Vittorio | Amara Lakhous]
L'immigration en Italie est un phénomène récent. La littérature migrante italienne (oeuvres littéraires d'immigrés écrites en langue italienne, acquise très souvent depuis la migration) est foisonnante depuis les années 1990; ceci constitue un cas unique en Europe, puisque Ben Jalloun et Rushdie ne peuvent pas être inscrits tout à fait dans le même cadre dans la littérature française et anglaise respectivement.
Ce roman, cependant, constitue une exception à plusieurs égards: son auteur est le premier (sauf l'Albanaise Ornela Vorspi, vivant désormais à Paris) qui est traduit en français par les seuls mécanismes de l'industrie de l'édition (ou par ses seuls mérites); le roman a été le premier best-seller du genre littéraire en question; il a paru en-dehors de toute "pression" médiatico-politico-éditoriale, à l'encontre d'autres cas que cette littérature a déplorés.
Je me permets de citer un extrait d'une communication universitaire, qui concerne cet ouvrage:
"... l’excellent roman d’Amara Lakhous 'Scontro di civiltà per un ascensore a piazza Vittorio' (2006) qui, pour la première fois dans la littérature migrante, a obtenu une acclamation du public outre les reconnaissances de la critique (notamment par le prix Flaiano 2006). Il s’agit d’un polar dont le principal suspect est l’énigmatique héros Amedeo, unanimement aimé par les habitants du quartier et de l’immeuble dans l’ascenseur duquel a eu lieu le meurtre, mais dont l’identité et l’origine étrangère restent douteuses jusqu’aux dernières pages, tout comme la raison de sa soudaine disparition ainsi que l’identité et le mobile du véritable assassin. Le suspense se fonde justement sur les multiples méprises et les fausses perceptions d’« étrangéité » par chacun des personnages immigrés et italiens qui, successivement tout au long des 11 chapitres, disent leur « vérité » sur l’ascenseur, dans leur déposition absolutoire d’Amedeo – alias l’Algérien Ahmed. Amedeo-Ahmed intervient après chaque chapitre, afin de rectifier certaines méprises et préjugés réciproques ; mais surtout par un hurlement de loup, un « ululato » qui représente sa tentative de se libérer de sa propre mémoire opprimante, d’un passé de sang, d’une identité refoulée et remplacée par une intégration inconditionnelle à l’italianité, notamment à la langue italienne (son « lait ») et à la ville de Rome (la « louve »). Autant la rationalité de son intégration est verbale, autant l’horreur de son passé pré-migratoire et les contradictions identitaires qui le hantent passent par cette plainte nocturne, insoupçonnée de tout le monde."
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