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[Mazan, la traversée du Styx | Marion Dubreuil]
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Swann




Sexe: Sexe: Féminin
Inscrit le: 19 Juin 2006
Messages: 2689


Posté: Aujourd'hui, à 12:35
MessageSujet du message: [Mazan, la traversée du Styx | Marion Dubreuil]
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Après avoir écouté les quatre podcasts des Couilles sur la table, assisté à la conférence de l'autrice et suivi dans la presse l'affaire, j'avoue ne pas être tombée de ma chaise en lisant les énormités dont fut riche "l'affaire Pelicot", mais je mesure mieux combien la société patriarcale qu'on ne peut pas encore dire postféministe, est dangereuse pour les femmes.

En effet, Marion Dubreuil est une chroniqueuse judiciaire, pourvue d'une carte de presse, qui assiste à des affaires judiciaires qu'elle finit par relier - les attentats du 13 Novembre, l'affaire Maëlys, Le Scouarnec, l'affaire Grégory, Émile... D'autres allusions à des féminicides, viols pédocriminels et/ou incestueux sont faites sans que je sache dire si l'autrice en a couvert les audiences judiciaires. Pour les audiences de l'affaire Pelicot, et d'autres sur le même thème, elle travaillait pour RMC.

Voilà Gisèle, qui portera jusqu'à la fin du procès le nom de son ex-mari, une femme qui, dans son malheur, a eu la chance que Dominique Pelicot, quand il était son mari, ait filmé et annoté minutieusement les fichiers de ses viols, qu'il ne les détruise pas, et qu'il reconnaisse tous les faits que ces preuves impliquaient (sauf que les photos de sa fille, Caroline, dénudée, inconsciente, puissent signifier qu'il aurait abusé d'elle). Et malgré tout cela, il a fallu autant de "c'est bizarre, tout de même" sur les réseaux sociaux et qu'un magistrat insiste pour appeler les viols que montraient les films "scènes sexuelles" et ses violeurs "ses partenaires" ; une experte médico-légale, au contraire, a insisté pour appeler les premiers "viols". Il a tenté d'imposer un huis-clos alors que c'était à la victime de le réclamer, or elle réclamait le contraire. L'autrice sent très vite que la publicité de ces films ahurissants étaient paradoxalement la meilleure sauvegarde de la réalité de ce que Gisèle Pelicot a subi. Sans eux, certains prévenus auraient pu tranquillement laisser passer qu'ils avaient l'impression qu'elle ne dormait pas, qu'elle bougeait et la presse n'aurait pas pu constater qu'au contraire, elle ronflait comme un sonneur à leur barbe, et qu'ils chuchotaient, au contraire, de crainte de la réveiller.

Alors finalement, ce qu'espérait Marion Dubreuil, après tant de chroniques judiciaires, tant de violences assez typiques d'une mentalité patriarcale prédatrice, c'était pouvoir trouver le facteur M zêta, le point commun de tous ces prédateurs, violeurs, assassins, traqueurs, harceleurs. Eh bien, il n'y en a véritablement aucun, dans leur biographie : certains furent violés, incestés, mais pas tous ; pas de situation familiale commune. Tout au plus peut-on relever un manque d'empathie, la tendance à ne pas considérer leur proie comme une personne et se désintéresser complètement de qui elle est et de ce qu'elle peut devenir. La plupart d'entre eux n'ont pas fait attention à son visage. Certains ont allégué le manque sexuel avec leur partenaire pour normaliser le fait d'aller commettre un viol sur une femme endormie, comme si cela comptait comme un acte sexuel ; j'ai halluciné que Dominique Pelicot n'ait pas insisté pour que ses "invités" mettent systématiquement un préservatif ; plusieurs sont revenus. J'ai l'impression qu'un seul lui a présenté des excuses à l'audience. Il faudra revenir à la culture du viol et à cette misogynie prégnante, proudhonienne ("La femme est un être intermédiaire entre l'humain et le règne animal"), ressortir ce mot de "patriarcat" qui énerve tant certains et certaines, pour arriver au contexte premier qui permet de penser que ce qu'on va perpétrer n'est pas si grave ni si interdit.

A lire cette chronique, j'ai eu l'impression que ces hommes ne s'étaient sentis en relation qu'avec Dominique Pélicot, qu'elle n'avait même pas compté comme la troisième..

- Après Mazan - Des hommes comme les autres (1/4)

Citations :

* Informer, ce n'est pas "faire diversion", pour reprendre de Bourdieu qui décrit dans son livre Sur la télévision le fait divers comme "cette sorte de denrée élémentaire, rudimentaire, de l'information qui est très importante parce qu'elle intéresse tout le monde sans tirer à conséquences et qu'elle prend du temps, du temps qui pourrait être employé à dire autre chose".
Au fait, est-ce qu'il s'agit uniquement de rendre compte ou est-ce qu'il s'agit de faire changer les choses ? La première solution m'enferme parfois dans une neutralité qui m'étouffe, la deuxième pourrait compromettre la mission du journaliste. J'oscille entre les deux. Je suis attachée aux faits, à la recherche d'objectivité. Mon expérience de la justice m'empêche pourtant aujourd'hui de couvrir chaque fait divers comme un fait isolé, de faire comme s'il s'agissait uniquement d'"événements du jour (ayant trait aux accidents, délits, crimes) sans lien entre eux" comme les définit le Petit Robert.


* "Alors vous allez faire quelque chose une fois que je serai morte."
Julie Douib, victime de féminicide le 3 mars 2019.


* "J'ai contraint personne, menacé personne, surpris personne", assure Redouan El F., dévoyant l'article 222-23 du Code pénal qui définit que "tout acte de pénétration de quelque nature qu'il soit ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.". Cet infirmier de 55 ans ajoute : "Je suis plutôt victime d'une ruse caractérisée." Il accuse Dominique Pélicot de l'avoir dupé, il assure qu'il pensait que Gisèle Pélicot faisait semblant de dormir, qu'il s'agissait d'un scénario. (...) Leur position est résumé dans cette déclaration de Guillaume de Palma (...) : Il y a viol et viol, sans intention de le commettre il n'y a pas viol. Si l'auteur s'est mépris, il n'y a pas viol." (...) La méprise sera déclinée tout au long des interrogatoires des accusés, "viol accidentel", " viol involontaire", "viol de physique mais pas de cerveau", "on n'est pas des violeurs dans l'âme", "comme j'avais l'autorisation du mari je faisais ce qu'il voulait".

* Le mouvement DoublePeine lancé par la féministe et activiste Anna Toumazoff a levé le voile sur les violences secondaires dans les questions des forces de l'ordre notamment. "Pourquoi vous n'avez pas essayé de crier ?" "Pourquoi vous ne vous êtes pas débattue ?" "Êtes-vous sûre de vouloir porter plainte ? Vous pourriez gâcher la vie de cet homme."

* "Est-ce que vous pensez que votre séparation a pu générer une frustration qui justifierait la recherche de relations ?" Roger Arata, président de la cour criminelle départementale du Vaucluse interrogeant l'ex-femme de Thierry Pa. au procès Mazan le 30 septembre 2024

La justice voit trop souvent le viol au prisme des besoins sexuels et des pulsions des hommes. La fréquence des rapports sexuels dans le couple au moment des faits, la prétendue "misère sexuelle" des accusés qui étaient célibataires reviennent souvent dans les questions de la cour criminelle départementale du Vaucluse comme un corollaire de la culture du viol.


* Je retrouve à l'audience tous les marqueurs des violences faites aux femmes que je documente depuis huit ans comme journaliste judiciaire. La dépendance affective et financière, le contrôle du corps des femmes, l'instrumentalisation des enfants. Des violences protéiformes, des violences parfois invisibles qu'il faut apprendre à déceler. Le règne des privilèges d'un genre sur un autre.

* On a fait du procès Mazan la vitrine de la justice française dans la lutte contre les violences sexuelles. Pourtant, deux hommes à qui Dominique Pelicot a proposé de violer sa femme inconsciente ont été convoqués comme témoins mais n'ont pas été poursuivis pour non-dénonciation de crime ou non-assistance à personne en danger. Un des accusés a pu continuer à exercer en tant qu'infirmier libéral jusqu'au procès, y compris pendant les débats, au détriment du principe de précaution. Des viols conjugaux avoués à l'audience n'ont pas donné lieu à des poursuites. La justice ne cherchera jamais les victimes de ces violes avoués sous couvert de triolisme et de somnophilie. Les femmes dont les photos dénudées se sont échangées ne seront jamais identifiées. Que dire de l'inceste sur lequel la justice n'a pas vraiment enquêté ?

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