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[La Vague | Elise Vincent]
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Posté: Lun 09 Juil 2018 0:28
MessageSujet du message: [La Vague | Elise Vincent]
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Ce livre n'est pas un essai, c'est une enquête journalistique réalisée auprès des acteurs souvent méconnus qui ont conçu, organisé et mis en œuvre les politiques publiques françaises relatives à la question migratoire, dans leur déroulement presque mensuel sur une période de trois ans, entre avril 2014 et avril 2017, sous la présidence Hollande.
Je suis prêt à surévaluer légèrement ma notation du livre, car sa lecture a remarquablement dépassé mes attentes, dans la mesure où les jugements politiques sur cette action publique, que je croyais pro-gouvernementaux à cause de l'usage sans guillemets de certains « éléments de langage » - à partir du titre lui-même (« la vague ») jusqu'à la très discutable « percolation » due à Bernard Cazeneuve... - s'avèrent occuper une place minime, presque insignifiante relativement au récit des événements. Contrairement à ce que mes citations pourront laisser croire. J'apprécie donc, car les faits, on les apprend, et le jugement, chacun se le fait (ou se l'est déjà fait). Le caractère d'enquête factuelle, presque de chronique, est renforcé par deux utiles appendices : « Ce qu'ils sont devenus », qui sert à se repérer parmi les noms des si nombreux protagonistes, et une « Chronologie ».
La période triennale considérée s'étend donc entre avril 2014, date des premières arrivées remarquées de migrants érythréens à Menton et avril 2017, date de l'entrée en vigueur de la réforme du code Schengen par le Parlement européen. S'y succèdent les événements et actions suivants : stratégie de ralentissement des migrants entre les Alpes-Maritimes et Calais ; avril 2014 puis mai-juin 2015 : « proposer l'asile aux migrants des squats », avec évacuation des campements à Paris et à Calais ; « effet Aylan » sur l'opinion européenne (août-septembre 2015) ; négociations et accord européen sur les quotas migratoires (août-septembre 2015) ; accord avec la Turquie ; et démantèlement complet de la « jungle » de Calais (février-octobre 2016).
Il me semble intéressant de m'arrêter sur trois aspects de cette succession : le degré d'importance et d'urgence estimé par les politiques a correspondu à la visibilité du phénomène migratoire en France, très largement limité aux campements de Calais et à ceux de Paris. La proposition du droit d'asile, et plus tard le dispositif des CAO en parallèle avec les évacuations et démantèlements sont donc deux côtés opposés mais complémentaires d'une même politique dont l'attentisme (manque d'anticipation) et l'apparente duplicité n'ont eu comme motif que la crainte des reproches électoralistes de laxisme et « d'appel d'air ».
Néanmoins cette caractéristique, jointe à une certaine dissonance au sein de l'exécutif, a discrédité la position internationale de la France, notamment dans l'été 2015, lors des négociations européennes sur la répartition des migrants (« quotas ») à laquelle Bernard Cazeneuve semblait prêt à donner son accord alors que Manuel Valls s'y opposait publiquement : « "La France n'apparaît pas généreuse, mais c'est assumé." Une stratégie de double discours qui va régulièrement miner le capital confiance de la France lors des négociations avec ses autres partenaires européens. » (p. 135)
Cela justifie le troisième volet : Dîner historique du 6 mars 2016, à l'ambassade de Turquie à Bruxelles, entre la chancelière Angela Merkel, le président du Conseil européen Mark Rutte et le Premier ministre turc Ahmet Davutoğlu – qui prend la France entièrement et absolument au dépourvu. Les termes (provisoires) de l'accord : un chèque de 3 milliards d'euros à verser à la Turquie pour les Syriens dans les camps de réfugiés (la somme sera doublée) ; « réouverture » des négociations d'adhésion de ce pays à l'UE ; promesse de libéralisation rapide des visas pour les Turcs ; en échange de la « réadmission », c-à-d. du renvoi des migrants interceptés en Europe entrés depuis la Turquie, à l'exception des Syriens (deviendra la règle du « un pour un » : un migrant non-syrien réadmis contre un ressortissant syrien à exfiltrer vers l'UE). En 2016, cet accord a eu des effets spectaculaires, la fermeture du « couloir des Balkans »...
Enfin, avec ou sans la malheureuse métaphore physico-biologique de Cazeneuve sur la « percolation », il est peut-être trop tôt pour mesurer toutes les conséquences du virage encore plus sécuritaire de la conception européenne et française de la « protection des frontières », avec la création d'un corps de gardes-frontières européens et depuis que Frontex a remplacé « Mare Nostrum »... Mais de cela, justement, il n'est pas vraiment question dans ce livre.


Cit. :

« Ainsi va naître progressivement cette ligne de crête caractéristique de la gauche au pouvoir : celle de jouer double, agir sans parler, assumer cette part d'humanisme sans contrarier l'obligation de pragmatisme.
L'exemple le plus emblématique de cette ligne acrobatique s'incarnera à travers deux importants projets de lois lancés à cette époque [mi-2013], parallèlement à une campagne minutieuse de déminage auprès de la presse et des milieux associatifs : une réforme de l'asile d'un côté, une évolution du système d'éloignement et droit au séjour de l'autre. […] savante synthèse […] "d'humanité et de fermeté", selon les éléments de langage. » (pp. 38-39)

« Que restera-t-il de ces trois ans ? Que laissera ce tournant de l'histoire migratoire ? La gauche de gouvernement a-t-elle failli comme le dénonce la droite ? Y a-t-il eu au contraire la preuve d'un sens aigu de la realpolitik, une réponse relativement "digne" avec ses maux nécessaires ? Ou la gestion à reculons de la crise, l'indexation permanente de la réponse humanitaire sur la maîtrise des flux est-elle une déroute morale, un désaveu de ses "valeurs" originelles comme le pense la gauche de la gauche ? Ces questions sont existentielles. » (p. 237) [dans la conclusion intitulée : Bilan]

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