Ellul dresse un constat - avec lequel je ne suis pas d'accord, mais que je comprends parfaitement - c'est que Dieu est absent. Non, il n'est pas mort, quoiqu'en disent les théologiens de la mort de Dieu, mais il s'est absenté. Parce que Dieu, lui, croit en l'homme. Ce n'est pas réciproque, on le sait bien.
Donc que faire de cette absence? Qu'est-elle sensée produire? Voici l'objet de ce livre.
Ne partageant pas le constat (du moins pas totalement, même si parfois je vois bien l'absence de Dieu, et même si je la constate "socialement parlant"), je partage néanmoins nombre de ses analyses, quant aux devoirs des chrétiens dans notre monde (qu'Ellul qualifie de devoir incognito, ça me plaît bien moi). Les devoirs, mais de quel ordre? Devoirs en tous sens, mais dans un seul esprit : celui de la méditation, de la contemplation et de la prière. La première action est de ne rien faire. Que toutes nos actions en découlent.
Oui, dit comme ça c'est étrange. Mais c'est le prix de l'espérance. Notre société est dans le faire, et quoi qu'on fasse il faut faire, le reste n'a aucune valeur. On a éliminé la contemplation et la méditation, on élimine l'inutile, mais c'est justement là qu'on peut trouver le sens de nos actes. Alors avant d'agir, cherchons le sens. Et notre action, nous la ferons alors incognito. Il y aura action, mais elle ne sera pas médiatique, ou politique. Elle sera anonyme. Elle sera vraie. Peu visible mais réelle.
Ca tranche avec les bling bling et les effets d'annonce politiques, ça, non?
Ne faites rien mais faites-le bien (ou là je m'emporte et délire, une fois n'est pas coutume).

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[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur Wikipedia]

Mais non Laudateur ne rougis pas de ton post, j'ai bien conscience que résumer en quelques lignes la pensée de Ellul n'est pas chose aisée.

C'est ta phrase "Et notre action nous la ferons incognito" qui a fait tilt dans mon esprit. Elle m'a fait penser à un superbe récit de Petru Dumitriu qui s'intitule d'ailleurs "Incognito". C'est l'histoire d'un apparachik communiste en bute aux suspicions de ses chefs et qui descends l'échelle sociale volontairement jusqu'à se sentir "incognito" dans la peau d'un simple prolétaire d'une usine métalurgique.
Alors, et je te le concède bien volontiers, tu me diras "quel rapport ,Amiread, avec Dieu et la pensée d'Ellul ? je ne sais pas trop, si ce n'est que dans ce récit (largement autobiographique) il appert que le "héros" (en fait un anti-héros ! ), se meut dans un monde sans Dieu (la Roumanie des années 60 ) , et ses actions justement tendent à l'incognito car c'est la seule façon pour lui d'approcher Dieu... Interprètation toute personelle, mais Dumitriu est un auteur "crypté" ; l'on peut aussi faire le parallèle avec la figure de Jésus...

Mon cher ami agorien
La question que tu poses "quel rapport ,Amiread, avec Dieu et la pensée d'Ellul ?" ne m'est même pas venue à l'esprit, tant le rapport me semblait évident. Mais c'est dû à ma déformation d'espérance et de foi
D'une part, Ellul a été très influencé par Marx, qu'il dévorait et dont il partageait pleinement le constat sur la société. Il n'était pas communiste - parce qu'il refusait la religion communiste - mais il avait opté pour une vision marxiste du monde, sans pour autant accorder trop de crédit aux "solutions" de Marx.
Donc parler d'un apparatchik communiste dans un post sur Ellul ne me semble pas du tout sans rapport.

Mais surtout, et d'autre part, puisque j'ai commencé par d'une part il me faut en aborder une autre, c'est plus facile pour suivre le fil de la discussion, l'idée que quelqu'un qui a le pouvoir et qui "s'abaisse" à rejoindre "la populace", ou bien l'idée d'un puissant qui se dépouille pour rejoindre ceux pour qui il est censé vivre, me rappelle évidemment - et tu le remarques toi-même - l'incarnation! Puisque, selon la théologie biblique, Jésus, c'est le Fils de la Trinité qui s'est incarné, le Dieu qui s'est dépouillé de ses "richesses" pour rencontrer notre humanité. Le parallèle est tellement évident pour un "imprégné" comme moi!!!
Merci donc, pour ce parallèle pertinent.
Car Jésus était tellement incognito quand il est venu, que ceux qui croyaient en Dieu ne l'ont même pas reconnu... Dostoïevsky d'ailleurs nous ressort la même sauce, avec intelligence, lorsque Jésus revient et que l'Inquisiteur ne veut surtout pas le reconnaître, parce que le Fils de Dieu remet sa religion trop en question... Il me semble que c'est dans les frères Kamarazov (à vérifier).

Salut Laudateur. Tu m'as peut être mal lu Je te faisais juste poser la question (dans ton fors intèrieur...): Quel similitudes Amiread trouve t-il dans le livre de Petru Dimitriu et "L'espérance oubliée" de J. Ellul ? Apparemment aucunes...Mais...Voilà c'est tout ; car je sais bien que dissocier Ellul et sa foi est un non sens ! bon quant à échanger sur "la religion", tu dois connaître ma position La foi n'est réductible à nul entendement "humain", ni raison, ni sciences,ni sciences sociales...et c'est en cela que je respecte les gens comme toi ; par contre tous ceux qui veulent nous convaincrent en mettant en avant quelques "bonnes raisons"....out.
Mais comme la religion est également un phénomène historique, alors là pas de problèmes, je suis ton homme

Tiens, c'est rigolo. Je suis en train de lire "l'illusion politique", de... hem... Jacques Ellul.
Eh bien il cite, sans plus de détail, le livre de Dumitriu, "l'incognito", dans une note que je prends plaisir à citer, juste pour toi.

"Le problème est de mesurer ce qu'un homme peut effectivement dans une situation politique donnée. Et c'est justement ce que Broch évite soigneusement, grâce à la généralité philosophique. Au contraire, Dostoïevski (les possédés), Böll (les deux sacrements) et Dumitriu (Incognito) attaquent le problème avec exactitude... Mais ils sortent aussitôt du politique!"

J'ai lu ça ce matin et je me suis dit : Dumitriu, Dumitriu... ça me dit quelque chose, mais qui m'en a parlé? Ben voilà, j'ai trouvé

Et après tout cela l'on va nous dire que "tout ce qui advient" est pur hasard !!!!

Relecture de l'espérance oubliée, après avoir relu l'apocalypse, architecture en mouvement; l'apocalypse, conférence; sans feu ni lieu... et claque!

En relisant ma première note de lecture, je vois que j'avais 'frappé' juste. Mais alors, d'où vient que je ne me rappelais plus du contenu du livre? Simplement, ma lecture devait être pure intellectualité, donc ma mémoire ne l'a pas gardé (ou bien est-ce autre chose?)

Ici, aujourd'hui, je suis frappé tout entier (c'est-à-dire entièrement) du message d'Ellul, et je m'y retrouve. Je trouve qu'il s'agit d'un grand livre, qui contient toute l'oeuvre d'Ellul, et qui est construit à partir de toutes ses recherches, tant sociologiques que théologiques. Ce livre est le pont entre les deux domaines. Et ce livre est incroyable, quand on a parcouru une bonne partie de ses oeuvres...

Bref, ça me donne envie de continuer de relire Ellul, tiens...