"Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait" (p. 12).
Tout était donc dit dès le début : que l'itinéraire, dans le fond, était sans importance - d'où l'absence d'une carte malgré un périple parfois plutôt obscur ; qu'il serait question du ressenti des voyageurs et non de lieux - d'où l'absence des paysages, de toute description des spécificités des pays traversés, de toute tentative de synthèse ou de compréhension au-delà de l'immédiat du perçu ; que le moyen de transport - cette petite auto si lente et si souvent en panne, toujours gourmande d'attentions et d'argent pour les réparations - compterait mille fois plus que le chemin ; que les rencontres humaines narrées seraient choisies pour leur caractère inhabituel, particulier (ah, sacré Terence ! le tenancier du Saki bar de Quetta - Pakistan...), plutôt qu'emblématique ; presque pas de rapports décrits entre les deux amis voyageurs : chacun pour soi dans sa transformation initiatique...
Ma lecture à moi aussi a été longue, non sans la considérable frustration qui va avec, ponctuée par des phrases pleines de poésie et de justesse, qui étaient noyées pourtant dans une mer de détails anecdotiques et intemporels, dont les liens réciproques sont totalement absents, comme dans une série de photos de voyage retirées au hasard d'un sac plastique où on les aurait entreposées en attendant de les classer dans un improbable album. Certes, ce périple "dépourvu de tout autre luxe que l'abondance du temps" (je ne cite pas verbatim) donne envie et fait rêver. Les pays traversés m'en donnent encore plus. Mais justement j'aurais aimé les voir un peu mieux, ces pays, dans leur contexte qui était d'autant plus précieux qu'il est aujourd'hui perdu à jamais. J'ai donc pris davantage de plaisir avec Bernard Ollivier.
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