De retour d’un concert de bienfaisance, un couple aisé et sans histoire, l’avocat Byrne Hollander et sa femme, l’écrivain Susan Hollander, sont assassinés chez eux. Après le viol, la torture, les meurtres et le cambriolage, les deux tueurs sont retrouvés quelques jours plus tard dans leur misérable appartement. Ils se sont entretués. Les empreintes relevées sur le lieu du crime et la quasi-totalité des objets dérobés corroborent leur culpabilité. A peine ouverte, l’affaire est classée au grand soulagement de tous, notamment de Karin Hollander, la fille et l’héritière. Matthew Scudder, le détective privé sans licence, relate l’histoire dès les premières lignes. Il se glisse dans la peau du couple et refait son itinéraire jusqu’à leur assassinat. Peu à peu, de flair en déduction, Matt Scudder est persuadé que les deux malfrats ne sont que des marionnettes et qu’un troisième homme tire toutes les ficelles dans l’ombre. En effet, les morts vont s’accumuler et un personnage inquiétant va émerger de ce chaos. A aucun moment, le lecteur ne pourra mettre des traits sur son visage, définir sa physionomie et cerner sa personnalité, mélange de puérilité et de machiavélisme, d’autosatisfaction béate et de solitude profonde, d’opportunisme et de célérité. Il est « malin » et peut-être est-ce une incarnation du Malin ? Insaisissable, il peut même faire croire qu’il n’est plus là alors qu’il sévit encore et toujours, sans aucun remords.
La trouvaille de la 15e aventure de Matt Scudder est probablement la venue d’un personnage démoniaque invisible qui semble renaître de ses cendres. Eternellement malfaisant, il sait ce qui est bon pour lui et il le prend. On dirait qu’un esprit mauvais vient de se personnifier sous nos yeux et découvre les plaisirs de la chair dans l’instant. Sa crédulité pourrait prêter à sourire : « Aime-t-elle seulement les gâteaux, sa future épouse, la châtelaine du palais, de son palais à lui ? » mais ses pensées, ses gestes et ses motivations infâmes sont crispants. Il méprise tout le monde et il déteste sa propre bêtise. On subit, on courbe l’échine, le mal passe, lancinant et ne s’éteint jamais.
Lawrence Block (né en 1938 à Buffalo, dans l’Etat de New York) est un écrivain prolifique : 16 aventures du privé Matt Scudder sont parues entre 1976 et 2004 ; 10 du libraire cambrioleur Bernie Rhodenbarr, entre 1977 et 2004 ; 8 de l’agent secret insomniaque Evan Tanner entre 1966 et 1998… Le succès est venu avec la 5e histoire de Matthew Scudder, « Eight Million ways to die », adaptée au cinéma. Le détective vieillit, enterre sa 1re femme, Anita, entretient des relations malaisées avec ses deux fils adultes, fréquente les Alcooliques Anonymes. La ville de New York revêt plus d’importance qu’il n’y paraît. La série est une chronique sociale de la Grosse Pomme. Pourtant, malgré l’ambition de l’écrivain et les trouvailles, l’intrigue bien menée et l’épilogue ouvert, le lecteur s’épuise un peu dans les digressions et les considérations annexes. De plus, il est dommage qu’on y trouve une apologie de la peine de mort dans la bouche d’un personnage sans que les propos ne soient contrebalancés.

----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur Wikipedia]