Ça a chauffé pendant une semaine dans les journaux. Yann Guillois a cru qu'il se passerait quelque chose. Qu'un homme-peuple apparaîtrait et marcherait sur l'eau. Qu'il dirait que nous sommes tous des hommes politiques, et qu'ensemble nous cherchons le sens. Mais non, rien. Aux tribunes, les leaders des partis suaient comme des veaux, dans l'écroulement des slogans. C'était un peu après Cannes, les marches, la palme, les villas bruissantes de baise, les piscines de champagne. Puis, le gratin de Roland-Garros, les puissants flanqués de putes s'aérant la chatte, le chassé-croisé des aoûtiens et des juillettistes, les deux mois réglementaires de peaux épilées. Rien ne remonte des profondeurs, de la colère des Arabes et des Noirs, de l'impuissance des Blancs, de tous ceux qui sentent en eux le sang jeune bouillir pour rien, de la haine de tous pour tous, de l'envie de mort et du désir de fusion. Rien ne filtre. Mer d'huile. Monopole de la surface. Le couvercle est si bien en place que Yann Guillois pourra en dessous crever encore de longues années, à moins d'une gigantesque colère collective. " Puisse ce livre d'amour arriver jusqu'à vous. |